En attendant Marie-Monique...

Le maïs est une des cultures qui fait le plus grand usage de l'herbicide Roundup, de Monsanto.

BLOGUE / Va falloir s'y faire, le temps que ça passe : la journaliste/militante française Marie-Monique Robin a annoncé qu'elle débarquera bientôt au Québec pour y faire la promotion de son dernier livre, «Le Roundup face à ses juges». Ceux qui ont 2¢ de souci pour la rigueur et la véracité scientifique ont intérêt à attacher leurs tuques avec de la broche parce que, de ce point de vue, la madame décoiffe en ti-péché...


C'est déjà commencé, d'ailleurs, avec une première entrevue publiée en fin de semaine. (For the record : du petit peu que je connais d'elle, cette journaliste du Devoir me semble généralement faire du très bon travail, elle en a juste échappé une dans ce cas-ci.) Alors tant qu'à avoir déjà un peu les pieds dedans, j'aimerais soulever deux points qu'il importera de ne pas perdre de vue quand Mme Robin profitera de diverses tribunes, ce qui ne manquera pas d'arriver.

1) Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, rattaché à l'OMS) est une organisation scientifique réputée et très crédible, et il est vrai qu'il a classé le glyphosate (l'ingrédient actif de l'herbicide Roundup, auquel plusieurs semences OGM sont conçues pour résister) comme «probablement cancérigène» en 2015. Des gens comme Mme Robin partent continuellement de là pour insinuer qu'ils ont la communauté scientifique derrière eux et que tout autre avis doit forcément être erroné, sinon carrément frauduleux.

Or comme je l'écrivais récemment, malgré tout le respect qu'on doit au CIRC, il est rapidement apparu qu'il est très isolé sur cette question. À la suite des travaux du CIRC, l'Agence européenne de sécurité des aliments a examiné les preuves disponibles et a conclu que le glyphosate n'est pas cancérigène. Le ministère américain de l'Environnement arrive à la même conclusion (avec des critiques très dures envers le travail du CIRC, d'ailleurs), même chose pour le bras agricole de l'ONU (bien qu'il ne s'est pas intéressé tout-à-fait aux mêmes questions que le CIRC), ainsi qu'à Santé Canada, à l'Agence européenne des produits chimiques et à l'ANSES (France). En outre, quatre panels d'experts indépendants ont refait l'exercice en 2016 et ont conclu à l'absence de carcinogénicité, sans compter bon nombre de chercheurs ici et sur le web.

Bref, on peut bien se coller le nez sur le rapport du CIRC si on veut, vient un moment où il faut se demander pourquoi on choisit de croire un avis manifestement très minoritaire plutôt que tous les autres — et en quoi ce choix diffère de ce que font continuellement les climatosceptiques quand ils brandissent les (très) rares expertises qui font leur affaire.

2) Marie-Monique Robin est un drôle de cas. Elle s'est fait connaître dans les années 90 avec, notamment, le documentaire Voleurs d'yeux, où elle prétendait mettre au jour un réseau de trafic d'organes humains entre l'Amérique latine et les États-Unis. Petit problème : la journaliste y présentait (entre autres) l'histoire de Jaison, Colombien de 13 ans qui se serait fait voler la cornée de ses yeux lorsqu'il était bébé, alors qu'une analyse médicale a ensuite conclu qu'il avait perdu la vue à la suite d'une virulente infection, en plus de soulever de graves doutes sur la vraisemblance de la thèse du vol de cornées.

On doit à la même Marie-Monique Robin le livre/documentaire Le Sixième Sens : science et paranormal, dans lequel on apprend notamment que l'existence de la télépathie est prouvée (!) et que les prêtres guérisseurs et les chamans «ouvrent d'immenses perspectives dans le domaine médical». Holy mama...

Mais je digresse, revenons à l'agriculture. Mme Robin n'en est pas à son premier «reportage» sur ce secteur puisqu'elle a signé Le monde selon Monsanto, en 2008. Elle y dresse un portrait horriblement sombre de la multinationale et des OGM en général mais, sur les aspects scientifiques de la chose, son propos a été complètement anéanti par ceux qui s'y connaissent, notamment Marcel Kuntz, biologiste au CNRS.

Je comprends que la critique des sources n'est pas une science exacte et que le seuil à partir duquel on cesse de considérer une source comme crédible peut varier d'une personne à l'autre, mais en ce qui me concerne, il y a longtemps que Mme Robin a passé ce point. S'ils veulent pouvoir prétendre informer, les médias ont la responsabilité de choisir des sources minimalement fiables, qui ne risquent pas trop de dire des faussetés que les médias se trouveront ensuite à répandre. Compte tenu de ce qui précède, je ne vois pas comment on peut encore donner une tribune à Mme Robin.

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