Glyphosate : la peur est mauvaise conseillère

L'interdiction du glyphosate serait un non-sens agronomique et économique. Par Pierre Pagesse, agriculteur, ancien président du GNIS, ancien administrateur du groupe Limagrain, ancien administrateur de l’Inra et fondateur du mouvement Momagri.

Alors que le Glyphosate a obtenu une autorisation européenne de cinq ans, le Président Macron a montré son désaccord en maintenant son opposition à la position de Bruxelles et a affirmé :

« J'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans. »

On se demande comment on a pu en arriver à une situation aussi aberrante. A savoir qu'un président pro-européen et son ministre de l'Ecologie se mettent en désaccord avec la Commission et mettent en demeure la communauté scientifique de tout un pays en s'engageant en son nom sur le fait qu'il est possible de trouver une molécule alternative au Glyphosate. Kafka se serait sans doute régalé.

Les réseaux sociaux, nouvelle tyrannie de l'information

On connaît plus où moins les causes de cette situation abracadabrante. Les réseaux sociaux deviennent une source d'informations pour tous les médias et révolutionnent la perception de notre monde. L'opinion du « pilier de comptoir» vaut la publication des travaux de Newton. Ce qui fait de l'Internet à la fois la plus grande bibliothèque du monde et la poubelle mondiale de l'information : un lieu d'impunité où tout auteur peut se targuer de science.

Dans ce contexte, la tyrannie de l'information, je devrais plutôt dire de la désinformation, c'est-à dire des fausses vérités, entraîne une évolution inquiétante des comportements de certains de nos concitoyens, voire, de nos dirigeants.

Pour ce qui concerne le Glyphosate, rappelons que cette molécule est sur le marché depuis 1974, mise au point par la France. Or, la toxicité de ce désherbant est pourtant quasi nulle. Mais, aujourd'hui vendu par Monsanto, il est devenu l'emblème de la cohorte des écolos de tous poils. L'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) a ainsi classé sans risque avéré pour l'homme ou l'animal le glyphosate  et l'EFSA l'a, quant à elle, classé « génotoxique improbable ».

Aucun lien démontré entre glyphosate et cancer, selon une étude récente

Récemment, une équipe de chercheurs américains a publié une étude intitulée « Utilisation du glyphosate et incidence du cancer sur la santé en milieu agricole (le plus exposé) » dans le Journal of the National Cancer Institute, démontrant qu'il n'y avait aucun lien démontré entre glyphosate et cancer. Cette étude porte sur plus de 89.000 agriculteurs et conjoints de l'Iowa et de Caroline du Nord depuis 1993.

Seul le CIRC, donc, met l'herbicide en question dans la catégorie 2A de cancérogènes probables. Ce qui provoqua le délire de la déferlante médiatique. Et lorsque l'on sait que ce même organisme classe le saucisson cancérogène pour l'homme, c'est-à-dire dans une classification en nocivité supérieure à celle du glyphosate... Va-t-on également bannir le saucisson ?

Mais revenons à notre matière active. Son interdiction serait un non sens agronomique et économique car elle remettrait en cause l'agro-écologie et l'évolution de ses pratiques culturales simplifiées qui améliorent la vie du sol et le stockage du carbone. Ce serait également un non sens environnemental. De plus, son utilisation en pré-semis, sur une levée d'adventices, évite de dessécher le lit de semences et permet ainsi des économies d'eau.

Interdire le glyphosate serait contreproductif au plan de la santé

C'est même contreproductif sur le plan de la santé. Car les graminées pérennes qu'il permet de détruire sont souvent des hôtes intermédiaires des pathogènes de nos plantes cultivées. Ces pathogènes, qui produisent alcaloïdes et toxines pouvant attaquer les cellules de notre cerveau (l'ergoline), sont des facteurs anti-nutritionnels, voire des perturbateurs endocriniens puissants (mycotoxines), ou des précurseurs cancérigènes. Dans le même esprit, on a dressée une liste rouge des produits (plus de six cents) utilisés en agriculture et susceptibles d'être perturbateurs endocriniens avant même la mise au point d'une méthodologie et d'une grille d'analyses européennes.

La diminution drastique de ces molécules ne pourra qu'accentuer les résistances des insectes, mauvaises herbes, bactéries et champignons, restreindre les solutions de protection de nos plantes et aggraver ainsi les risques naturels de contamination et donc de santé de nos citoyens. Ces risques sont bien connus tant de l'ANSES que des hommes de sciences spécialistes du secteur. Et ce n'est certainement pas l'agriculture biologique qui peut nous préserver de ces graves désagréments, bien au contraire.

Attention à la dérive des végétariens

A la veille des conclusions des Etats généraux de l'alimentation, attention à ce que l'obsession du « manger sain » n'alimente pas, si j'ose dire, la dérive des végétariens, vegans, crudivores ... qui s'emprisonnent dans un ensemble de règles et de comportements au nom de la « vérité pour vivre plus longtemps », voire de l'immortalité.

La peur alimentaire qu'ils induisent est devenue une arme marketing de la grande distribution qui, dans un marché stagnant, se dispute les nouveaux créneaux de substitution. La garantie sans OGM, sans pesticide, sans gluten.... Les aliments santé et les compléments alimentaires sont devenus leur nouvel eldorado avec des arguments fallacieux et tronqués. Certains distributeurs n'hésitent d'ailleurs pas à financer la galaxie des ONG anti agricoles. Tout cela à grand renfort de publicités troublant ainsi les repères des citoyens consommateurs. Au lieu d'examiner les solutions que les sciences de la vie apportent déjà, nous les diabolisons.

« La peur est toujours mauvaise conseillère ».

Ma grand-mère disait: « La peur est toujours mauvaise conseillère ». Toute personne raisonnable a donc le devoir de dénoncer ces dérives auxquelles nous assistons. Les faits ne sont pas des croyances et les nier conduisent nos sociétés à la dérive. Je suis partisan d'une pratique agricole raisonnée et de qualité. Mais il nous faut les moyens techniques, scientifiques et financiers pour la pratiquer dans un espace de liberté indispensable à son évolution. Ne cédons pas au chantage de ceux qui utilisent la peur pour des objectifs et des orientations politiques non avouables.

Restons vigilants aux dérives, aidons à bâtir une société qui repose sur une réelle évaluation scientifique du risque et sur la confiance mutuelle. La peur est toujours mauvaise conseillère.

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Commentaires 8
à écrit le 01/03/2018 à 10:41
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"agriculteur, président du GNIS, ancien administrateur du groupe Limagrain, ancien administrateur de l’Inra et fondateur du mouvement Momagri" Ben du coup Ferme la

à écrit le 02/01/2018 à 17:28
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merci de rappeler les données scientifiques seul le CIRC (et on a su après qu'il avait été en partie manipulé) met le glyphosate comme potentiellement cancérigène on peut interdire ce produit encore faut-il évaluer les conséquences sur notre alimen...

à écrit le 21/12/2017 à 16:04
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Toujours pareil avec les agriculteurs français : donnez-moi des subventions, donnez-moi des prix garantis, et en retour je travaillerai mal et je polluerai tout ce que je peux polluer. Que les agriculteurs cessent de se gaver de subventions, de ne p...

à écrit le 21/12/2017 à 16:04
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Toujours pareil avec les agriculteurs français : donnez-moi des subventions, donnez-moi des prix garantis, et en retour je travaillerai mal et je polluerai tout ce que je peux polluer. Que les agriculteurs cessent de se gaver de subventions, de ne p...

à écrit le 20/12/2017 à 13:20
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Qu'on les condamne tous ! Enfermez-lez tous, ces responsables qui nous empoisonnent pour préserver leur gros business. Comment imaginer un instant qu'un produit qui tue tous les insectes par atteinte neurologique ne nous fasse rien à nous ? Et vou...

à écrit le 19/12/2017 à 17:08
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Ben voyons ... Cela commence a être vraiment agaçant 1- de taxer les opposants au Glyphosate d'ignorants, de les accuser de jouer avec les peurs .... 2- de se référer à la science (elle a vraiment bon dos ! Newton doit se retourner dans sa tombe ...

à écrit le 19/12/2017 à 9:27
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"rappelons que cette molécule est sur le marché depuis 1974" Date à laquelle les cancers de la moelle osseuse (appelés aussi moellon par les agriculteurs eux-mêmes car communs) et les leucémies se sont multipliés chez les agriculteurs non ? ...

le 21/12/2017 à 9:48
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Décidément, je vous ai répondu mais ma réponse n'a pas été validée. Il se passait quoi hier soir à la modération svp ? "C'est le sophisme du cum hoc, propter hoc." Je ne comprends pas, merci d'expliquer svp. "C'est le sophisme de l'ad ...

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