Pour remplacer l’uranium russe, Orano investit 1,7 milliard d’euros dans l’enrichissement au Tricastin

Le géant français du cycle de l’uranium Orano a validé sa décision d’investir 1,7 milliard d’euros pour augmenter de 30% ses capacités d’enrichissement sur son site de Tricastin (Vaucluse). De quoi produire davantage de combustible et concurrencer le russe Rosatom.

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Pour remplacer l’uranium russe, Orano investit 1,7 milliard d’euros dans l’enrichissement au Tricastin
Orano va augmenter de 30% les capacités d'enrichissement d'uranium de son usine Georges Besse 2, qui a été inaugurée fin 2010.

Orano enchaîne les grandes annonces. Jeudi 19 octobre, quelque jours après avoir signé un accord-cadre autour de l’exploitation d’une nouvelle mine d’uranium en Mongolie, le géant français du cycle de l’uranium a validé en conseil d’administration sa décision d’investir 1,7 milliard d’euros pour renforcer ses capacités d’enrichissement d’uranium sur son site du Tricastin.

Ce projet permettra une augmentation de 30% des capacités de son usine Georges Besse 2. Il vise à répondre à l'augmentation des besoins qu’engendre la relance du nucléaire dans le monde, mais aussi, à plus court-terme, à permettre aux opérateurs de centrales de limiter leur dépendance à Rosatom. Le groupe russe reste le leader mondial du secteur, avec de l’ordre de 45% du marché, devant le consortium européen Urenco, le français Orano et le chinois CNNC.

Un plan prévu d’avance

Cet investissement ne sort pas de nulle part. Imaginé dès la création de l’usine Georges Besse 2, inaugurée fin 2010, l’agrandissement n’avait pas été mené à bien en raison de la catastrophe de Fukushima, qui avait poussé la filière nucléaire à appuyer sur la pédale de frein. En début d’année, Orano a ressorti ce projet des cartons à la suite de la guerre en Ukraine, et de l’annonce du gouvernement américain de sa volonté de bannir l’uranium enrichi en Russie à partir de 2028. Selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), 24% de l’enrichissement acheté par les centrales nucléaires américaines en 2022 venait de Russie. Un marché à prendre, sur lequel Orano attendait des engagements fermes de commandes à long terme de la part de clients avant d’investir. C’est chose faite.

Aujourd’hui, l’usine Georges Besse 2 d’Orano dispose de 7,5 millions d’unités de travail de séparation (UTS), un indicateur qui désigne la capacité à traiter de l’uranium naturel pour l’enrichir. Une action qui consiste à augmenter la part d’uranium 235, qui est fissile, au sein de la matière, afin de la faire grimper d’un taux naturel de 0,7% jusqu’à 3 à 5% et de rendre l’uranium utilisable en tant que combustible dans les réacteurs nucléaires. Si l’on parle de “travail” plutôt que de quantité de matière, c’est que les industriels peuvent jouer sur le ratio entre quantité d’uranium naturel et quantité de travail pour optimiser le système, selon la disponibilité et le coût respectifs de ces deux ingrédients.

Démarrage prévu en 2028

Dans le détail, Orano prévoit d’installer quatre modules de traitement supplémentaires au nord de son usine de Georges Besse 2, qui en compte déjà 6. Comme le projet d’extension avait été intégré lors du débat public initial, en 2004, le terrain est déjà disponible et prêt à accueillir ces nouvelles installations. Au total, Orano compte augmenter sa production de plus de 30%, pour atteindre une capacité nominale de 10 millions d’UTS (pour une capacité maximale de 11 millions d’UTS).

La production de nouvelles centrifugeuses ultra-rapide – les machines qui servent à enrichir l’uranium (préalablement transformé chimiquement lors d’une étape de conversion qu’Orano réalise aussi sur son site de Tricastin) – prend toutefois du temps. Elles seront fabriquées sur site par ETC, une coentreprise d'Orano et d'Urenco qui est la seule à maîtriser la technologie, et devra remonter en cadence. Le premier coup de pioche est prévu en septembre 2024, pour un démarrage du premier module en 2028 et une montée en charge jusqu’en 2030.

La stratégie d'Orano d'augmenter ses capacités d'enrichissement n’est pas isolée, comme en témoigne l’annonce en juillet dernier de son concurrent Urenco (une entreprise anglo-germano-néerlandaise) de sa volonté d’augmenter de 15% ses capacités d’enrichissement au Nouveau-Mexique, dans la seule usine commerciale des Etats-Unis positionnée sur le sujet. L’invasion russe de l’Ukraine n’en a pas fini de bouleverser le paysage énergétique.

Cap sur l’uranium moyennement enrichi, clef de voûte des petits réacteurs nucléaires

C’est un autre chantier qui se profile pour Orano et son métier d’enrichissement. Celui des LEU+ et des HALEU, soit de l’uranium moyennement enrichi, contenant entre 6 et 8% d’uranium 235 pour la première gamme et jusqu’à 20% pour la seconde. La demande pour ce type de combustible se profile, notamment pour produire le combustible des futurs SMR, les petits réacteurs nucléaires que de nombreuses start-up cherchent à industrialiser d’ici 2030. Aujourd’hui, seul le russe Tenex (une filiale de Rosatom) peut fournir un tel uranium pour des applications commerciales. Mais l’industrie se mobilise. Le 11 octobre, Centrus Energy a annoncé avoir démarré une ligne de démonstration dans l’Ohio, aux Etats-Unis. De son côté, Orano a débuté un travail réglementaire pour produire de l’uranium enrichi à 6% sur son site du Tricastin. Mais obtenir des teneurs supérieures, autour de 8% d’abord, nécessiterait des investissements supplémentaires pour lesquels le groupe français attend des commandes fermes, dévoilait le directeur de la branche chimie et enrichissement du groupe, François Lurin, lors du salon WNA en septembre. Le groupe se positionne cependant déjà, et a signé le même mois un partenariat avec son concurrent Urenco pour développer des cylindres de transport des HALEU.

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