Encore 12% des plus de 80 ans ne sont toujours pas vaccinés contre le Covid-19

Encore 12% des plus de 80 ans ne sont toujours pas vaccinés contre le Covid-19

Jerome BROUILLET / AFP

Faut-il les y forcer, comme en Italie, ou continuer à les y inciter très fortement ? En France, 12% des personnes âgées de plus de 80 ans sont toujours récalcitrantes pour se faire vacciner contre le Covid. C'est même la part de la population la moins vaccinée parmi celles pour qui la campagne est ouverte depuis des mois, alors même qu'ils sont plus susceptibles de développer des formes graves de la maladie causée par le virus et ses multiples variants. Mais certains peuvent encore être convaincus.

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Dès l'ouverture de la campagne vaccinale fin 2021, ils ont été nombreux à sauter le pas avant que le taux de vaccination commence à stagner à partir de la fin du mois d'août pour atteindre un taux à 88% des séniors partiellement ou totalement vaccinés.

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S'ils ont été les premiers éligibles à la vaccination, les plus de 80 ans sont donc encore 12% à l'avoir refusée. C'est plus que toutes les autres tranches d'âge pour qui la vaccination est ouverte depuis des mois. 86,1% sont complètement vaccinés, 1,9% le sont partiellement.

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Les raisons de cette réserve

S'il est difficile d'identifier précisément les facteurs de ces réticences, une récente étude dirigée par le sociologue de l'Inserm Jeremy Ward tente d'identifier les raisons pour lesquelles certaines personnes ne franchissent pas le cap. Menée du 2 au 17 décembre, sur un échantillon de 2022 personnes, représentatif de la population adulte résidant en France métropolitaine, l'étude tente d'identifier certains traits propres aux personnes non-vaccinées. Parmi celles-ci, tous âges confondus, "il est important de noter qu'une majorité semble s'être fait un avis définitif sur ce sujet (7% sont 'certains' de ne pas se faire vacciner contre 3,5% qui ne le feront 'probablement pas')", soulignent les chercheurs. Selon Jacques Battistoni, président de la Fédération française des médecins généralistes (MG France), il existe en effet "une crainte vis-à-vis du vaccin chez les personnes âgées comme chez les plus jeunes". Plusieurs de ses patients non-vaccinés font aussi partie des récalcitrants à la vaccination contre la grippe. Mais le spécialiste note également auprès de L'Express que cette réticence peut provenir de l'entourage du sénior "qui estime que le vaccin présenterait un risque".

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Mais si l'étude observe que "les questions de ressources et d'accès aux soins semblent rester déterminantes", le médecin généraliste, qui exerce dans l'agglomération de Caen, y voit lui "une fausse explication", ou tout du moins "marginale" car "le vaccin est gratuit".

L'accès géographique au vaccin ne serait pas non plus, selon lui, une cause à mettre en avant, car "on a beaucoup insisté sur ce point-là, avec la mise en oeuvre de moyens spécifiques pour cette population, comme des appels du médecin traitant pour une vaccination directement à domicile". Un numéro vert (0 800 730 957) existe par ailleurs pour organiser la vaccination des plus de 80 ans à domicile ou à l'extérieur. Les centres de vaccination sont en effet nombreux sur le territoire et les départements où le taux de vaccination des plus de 80 ans est le plus faible n'en sont pas démunis, selon la carte ci-dessous.

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Pour Jacques Battistoni, le principal facteur, et le plus récurrent chez les patients âgés, c'est finalement la conviction qu'ils ne prennent pas tant de risques face au virus. "Un certain nombre, malheureusement, considère qu'ils ne prennent pas de risques car ils ne voient pas beaucoup de monde, ils ont des interactions limitées à leur auxiliaire de vie ou à leur entourage, explique-t-il. Et ils ont raison, à condition que le virus soit très peu contagieux et qu'ils prennent des précautions. Mais ils en prennent peu car ils n'ont pas l'habitude des gestes barrière et se retrouvent à la merci des personnes qui viennent les voir. Si ces dernières ne sont pas non plus vaccinées, il y a un grand risque". Et avec un variant aussi contagieux qu'Omicron qui fait s'envoler le nombre de contaminations en France, "ils risquent de l'attraper à coup sûr en croisant simplement une personne contagieuse".

Comment résoudre la situation

Alors comment remédier au problème ? Si certains pays comme l'Italie misent sur l'obligation par la loi de la vaccination contre le Covid-19 des plus de 50 ans, en France, une telle mesure n'est pas envisagée. Le gouvernement préfère miser sur le passe sanitaire, qui s'apprête à devenir un passe vaccinal. Mais cet argument peut-il convaincre les séniors ? Rien n'est moins sûr : les séniors peu vaccinés sont surtout ceux qui habitent encore chez eux et qui ne sortent pas beaucoup, en tout cas pas pour faire les activités soumises au passe sanitaire, comme les restaurants, les bars ou les cinémas...

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Si "on aura toujours un taux résiduel de patients non-vaccinés", pour les convaincre, "une meilleure communication, plus adaptée sur les risques qu'ils encourent" pourrait fonctionner sur une partie d'entre eux, souligne Jacques Battistoni. Le médecin se félicite ainsi d'avoir réussi, consultations après consultations, à convaincre l'une de ses patientes âgées de se faire vacciner. D'où l'importance du fameux "aller vers", qui semble peu à peu porter ses fruits. A l'aide de ses fichiers, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) envoie des courriers, et appelle un par un ces oubliés du vaccin. "On sensibilise, sans pour autant chercher à forcer à la vaccination, il faut avant tout rassurer", commentait récemment à L'Express Florence Gouyet, adjointe sur la mission "Aller-vers", et qui a participé à ces campagnes d'appels. "Ces personnes âgées, c'est un public qui aime discuter, qui trouve important d'expliquer pourquoi elles refusent le vaccin, alors on passe parfois de longues minutes au téléphone".

Pour le reste, "ce qui me tracasse, c'est l'idée que ces personnes sont potentiellement à risques alors qu'elles se croient à l'abri. Plus on est âgé, plus le fait d'attraper le Covid-19 représente un risque de développer des formes graves et des comorbidités, car la maladie s'ajoute souvent à d'autres maladies chroniques à cet âge, prévient Jacques Battistoni. Une fièvre à 39 ou 40 degrés peut parfois suffire à faire mourir le patient".

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