Tracteurs, moissonneuses-batteuses, drones de surveillance : “les outils agricoles actuels requièrent des environnements contrôlés pour fonctionner”, observe Wired. C’est-à-dire des environnements conçus pour être exploitables par ces machines. De fait, dans ce système, c’est “l’ensemble du processus de culture [qui] se plie aux besoins de la machine”, poursuit Patrick Baur, chercheur américain sur les systèmes alimentaires.

“Ne pourrions-nous pas inverser cette tendance qui fait tant de mal au paysage agricole ?” interroge Thomas Daum dans le magazine américain. Pour cet agroéconomiste allemand, l’intelligence artificielle et les engins autonomes sont des outils formidables pour répondre au dérèglement climatique et au déclin massif de la biodiversité.

Plutôt que d’adapter l’environnement aux besoins des nouvelles technologies, nous pourrions programmer les technologies pour qu’elles répondent aux besoins de l’environnement.” 

Il faut permettre aux futurs robots agricoles de fonctionner dans des écosystèmes naturels, avance le chercheur. Ils pourront participer à l’entretien des haies le long des terres, ou faciliter la polyculture, une pratique durable mais coûteuse.

“Le déploiement de robots capables d’effectuer ce genre de tâches pose d’autres problèmes”, riposte Wired. Ils devront être plus intelligents que la génération actuelle de robots cueilleurs de laitues, ce qui implique des coûts de conception plus élevés. La construction de ces machines contribue à épuiser l’environnement, rappelle, par ailleurs, la géographe américaine Emily Reisman : “Il faut extraire des minéraux [pour les fabriquer], il faut de l’énergie pour stocker leurs systèmes, et il faudra trouver un moyen de s’en débarrasser à la fin de leur vie.”

Cette utopie écologique envisagée par Thomas Daum – un “jardin d’Éden futuriste” – pourrait finir par se révéler être une dystopie pour les travailleurs, met aussi en garde Emily Reisman :

“Dans le meilleur des cas, l’innovation robotique pourrait simplement s’avérer inutile car les agroécologistes auront démontré que de petites exploitations agricoles riches en main-d’œuvre pouvaient être très productives tout en préservant la biodiversité. Dans le pire des cas, elle pourrait exacerber les problèmes déjà existants dans l’agriculture et les secteurs liés aux hautes technologies : l’exploitation dans les mines, des travailleurs programmant des algorithmes dans des conditions de travail indécentes, et le déplacement forcé d’ouvriers qui ne trouvent pas d’emploi.”