Décrochages de panneaux photovoltaïques : vers une indemnisation des propriétaires ?

Même si pour lui il faut privilégier d’autres solutions, le ministre wallon de l’Energie Philippe Henry a ouvert la porte à une indemnisation des «prosumers» victimes du décrochage de leur installation.

Décrochages de panneaux photovoltaïques : vers une indemnisation des propriétaires ?
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article modifié le 24/08.

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Lorsque la luminosité est forte entre 10h et 17h et que le réseau électrique environnant surchauffe, certains propriétaires de panneaux photovoltaïques en Wallonie voient leur installation «décrocher», c’est-à-dire se couper du réseau. En résulte un manque à gagner, qui pour certains, pourrait se chiffrer en centaines d’euros par an.

Conscient du problème, le ministre wallon de l’Energie, Philippe Henry (Ecolo), s’est dit favorable à une indemnisation des détenteurs de panneaux qui y sont confrontés. Mais en dernier ressort.

«L’objectif n’est pas d’indemniser les prosumers qui rencontrent des problèmes mais plutôt de veiller à ce que leur installation fonctionne et que leur électricité soit injectée dans le réseau, a déclaré Philippe Henry dans Le Soir. Ce n’est que si une solution ne peut pas être trouvée dans un délai raisonnable qu’il faudra envisager une indemnisation par [les] GRD (gestionnaires de réseaux de distribution, ndlr).

La Cwape (le régulateur wallon, ndlr) est chargée d’élaborer une proposition pour régler pareils cas, qui ne devraient donc relever que de l’exception».

Compteur qui tourne à l'envers

Ici, un petit détour technique s’impose. Les prosumers wallons (le mot prosumer est la contraction des termes anglais Producer, pour producteur et Consumer, pour consommateur) ayant acquis des panneaux photovoltaïques avant le 31 décembre 2023 pourront bénéficier jusqu’en 2030 du compteur qui tourne à l’envers.

Voici comment fonctionne le système: dès qu’un prosumer produit plus d’électricité qu’il n’en consomme, le surplus est renvoyé sur le réseau de distribution. Dans le même temps, le compteur de son installation tourne dans le sens inverse. Lorsque les panneaux photovoltaïques produisent autant ou plus d’électricité que la quantité consommée, le compteur repasse à zéro.

Les propriétaires doivent toutefois s’acquitter du tarif prosumer, une redevance annuelle forfaitaire que les propriétaires de panneaux photovoltaïques paient pour contribuer financièrement à l’utilisation réelle du réseau.

(Contrairement à ce que la version initiale de cet article indiquait, le tarif d’injection, une compensation financière pour l'injection de l’électricité sur le réseau, ne s’applique qu’à Bruxelles et en Flandre. Les prosumers wallons qui auront installé leur installation photovoltaïque à partir du 1er janvier 2024 seront également soumis au système du tarif d’injection.)

Eviter de faire "déborder" le réseau électrique

Mais lorsque trop d’électrons sont envoyés en une fois sur le réseau (s’il fait particulièrement beau et/ou lorsqu’il y a beaucoup d’installations photovoltaïques dans un quartier) et, dans le même temps, trop peu de consommation sur ledit réseau, celui-ci a du mal à absorber le surplus d’électricité.

Le réseau est alors en «surtension» ; l’onduleur (l’appareil qui convertit le courant continu en courant alternatif) passe en mode sécurité, et force les panneaux à stopper leur production.

 

 

Aucune indemnité prévue jusqu'alors

«Il faut imaginer de l'eau dans un canal, décrivait dans Le Vif Jean-Michel Brebant, porte-parole d'Ores (gestionnaire de réseau). À partir du moment où la capacité de celui-ci est atteint, ça déborde. L'électricité ne déborde pas, mais les fils fondent. Pour éviter ça, l'onduleur décroche».

Résultat : l’installation de ces prosumers ne produisant plus de courant, ceux-ci, jusqu’alors autonomes, se retrouvent à devoir acheter sur le réseau l'électricité qu’ils continuent de consommer. Pour l'instant, les gestionnaires de réseau n’interviennent qu’en aval, après le décrochage. Et ce, sans qu’aucun délai d’intervention ne soit spécifié et qu’aucune indemnité ne soit prévue pour les propriétaires.

«Avec une installation moyenne et des décrochages réguliers mais pas extrêmes», certains prosumers malchanceux pourraient ainsi «perdre 500 à 600 euros par an», avançait dans La Libre, Régis François, président de l’ASBL Beprosumer.

 

Des plaintes en hausse

Le nombre de plaintes liées à ce problème ne cesserait de grimper. Selon des chiffres avancés dans Le Vif, en région liégeoise, le GRD local, Resa, en a reçu 400 l'an passé. Chez Ores, elles sont passées de 929 en 2020 à 1 590 en 2022(+ 71%). «En règle générale, les victimes sont toujours les mêmes puisque le décrochage dépend du degré d'éloignement de l'onduleur d'une installation photovoltaïque par rapport à la cabine électrique présente dans le village», détaillait Régis François.

Il semblerait que la principale cause de ces décrochages à répétition soit l’augmentation massive du nombre d’installations photovoltaïques en région wallonne. De 110.000 fin 2020, on est passé à 165.000 propriétaires de panneaux début 2023, selon des chiffres avancés par la RTBF.

Si certaines solutions techniques (réglages à la cabine électrique, placement de batteries sur l’installation, etc.), permettent de diminuer les décrochages, elles sont loin d’être optimales.

 

 

Remettre le réseau à neuf

«Il faut alors envisager des solutions à plus long terme comme des travaux du renforcement du réseau. La moitié de celui-ci est en 230 volts. Nous pouvons changer les câbles pour le faire passer en 400 volts. Nous pouvons également remplacer les cabines actuelles par des nouvelles, plus performantes», pointait Jean-Michel Brebant, d'Ores, auprès de la RTBF. Mais mettre à neuf une bonne partie du réseau wallon a un coût, non négligeable. De l’ordre de 3 à 4 milliards d’euros sur quinze ans, selon les estimations.

La Wallonie est-elle prête à engager de tels montants ? Le peut-elle seulement ? Sans y être opposé, Philippe Henry ne privilégie pas la piste de l’indemnisation des propriétaires (comme en Flandre où des indemnités forfaitaires de 7,5 EUR par kVA sont prévues).

 

 

Dans Le Soir, le ministre de l’Energie favorisait plutôt le déploiement d’«instruments de mesure afin d’identifier et objectiver les problèmes», ainsi qu’ «agir ensuite rapidement où c’est possible, notamment au niveau du câblage des cabines basse tension. Les GRD (les gestionnaires de réseau, NDLR) vont recevoir 214 millions via le programme européen REPowerEU pour ce faire», ajoutait le ministre.

À voir si cela s’avèrera suffisant pour limiter les décrochages de panneaux. «Ce phénomène ne va faire qu'empirer car on prévoit 30.000 installations supplémentaires d'ici à la fin de l'année», prévoyait dans La Libre Régis François, président de Beprosumer.

 

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