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Du glyphosate dans nos aliments

Des aliments courants, comme des céréales Cheerios, du houmous, des biscuits Oreo, contiennent des résidus de glyphosate.

Ces aliments contiennent des résidus de glyphosate en deçà des limites permises, selon des analyses d'Équiterre.

Photo : Radio-Canada

Des données obtenues et analysées par Radio-Canada montrent que plus du tiers des échantillons testés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments entre 2015 et 2018 contenaient des résidus de glyphosate, l'herbicide le plus utilisé au monde, qui est considéré comme un « cancérogène probable », selon une agence de l'Organisation mondiale de la santé.

Le glyphosate est très efficace. Ce désherbant total tue toutes les plantes, sans discrimination. L’agriculture industrielle l’utilise partout : blé, soya, avoine, orge et légumineuses.

Pas étonnant, donc, qu’on en trouve fréquemment dans nos assiettes.

Entre 2015 et 2018, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a testé pas moins de 12 767 produits alimentaires de toutes sortes. Nous avons obtenu et analysé ces résultats : 37 % des échantillons contenaient des résidus de glyphosate, mais seulement 0,5 % d’entre eux en contiennent au-delà des limites permises.

Un tableau représentant des résultats d'analyse en glyphosate.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments a testé la présence de glyphosate dans 12 767 échantillons d'aliments.

Photo : Radio-Canada

Du glyphosate presque partout

C’est la surprise des données de l’ACIA. Des résidus de glyphosate sont présents dans toutes sortes d’aliments : mets préparés, riz, pâtes, biscuits, farines… Des produits qui contiennent notamment du blé.

Depuis quelques années, l’agriculture industrielle utilise le glyphosate juste avant les récoltes, afin de tuer et de dessécher la plante pour rendre la cueillette plus rapide. Une technique strictement réglementée en France et interdite en Italie, rappelle Louise Vandelac, qui dirige le Collectif de recherche écosanté sur les pesticides à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Un tracteur épand du glyphosate sur un champ de blé.

L'épandage de glyphosate est monnaie courante dans les champs de blé canadiens

Photo : Radio-Canada

Ce blé contaminé au glyphosate pose d’ailleurs des problèmes aux agriculteurs depuis que Barilla, premier producteur mondial de pâtes alimentaires, a réduit ses commandes de blé dur canadien en raison des forts résidus de glyphosate.

Du bio et des enfants

Par ailleurs, on trouve du glyphosate dans des aliments pour nourrissons. Plus du quart des échantillons de l'ACIA contenaient des résidus de l’herbicide.

Quand il s’agit d’aliments pour enfants, je pense qu’on devrait prendre ça très au sérieux.

Une citation de Louise Vandelac, directrice, Collectif de recherche écosanté sur les pesticides à l’UQAM

Même dans les produits biologiques : 24 % des échantillons contiennent des résidus de glyphosate. Et 18 des 69 aliments qui dépassent les limites permises sont… biologiques, la majorité venant des États-Unis.

Ce qui n’étonne pas le conseiller scientifique de l’Institut national de la santé publique Onil Samuel : « Vu l’utilisation massive de cet herbicide dans les grandes cultures qui prennent de l’espace au pays, c’est de la contamination croisée. »

Une étude conjointe du Environmental Defence et d’Équiterre corrobore les résultats de Santé Canada.

Des produits très communs comme le houmous, les céréales pour enfants, des macaronis au fromage, des craquelins et des biscuits contenaient des résidus de glyphosate, sans toutefois dépasser les limites permises :

  • 47 % des produits à base de haricots, de pois et de lentilles;
  • 37 % des produits à base de céréales;
  • 32 % des céréales pour enfants;
  • 11 % des produits à base de soya.

Source : Équiterre (document PDF) (Nouvelle fenêtre) 

Un danger pour la santé ?

À cette question simple, la réponse est complexe, souligne Louise Vandelac.

Elle constate d’abord que la grande majorité des études sur l’effet cancérogène sont issues de l’industrie elle-même. « Les études du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS confirment que c’est un cancérogène probable. Ce n’est pas anodin, dit-elle. Mais la conclusion du CIRC se base sur des études indépendantes. Les études indépendantes sont peu nombreuses parce qu’elles coûtent cher. »

Les agences de santé, comme Santé Canada, prennent aussi en compte les études des industriels.

Frédéric Bissonnette est le directeur de la gestion de réévaluation à l’Agence de réévaluation de lutte antiparasitaire de Santé Canada. En janvier dernier, Santé Canada a maintenu l’homologation du glyphosate pour les 15 prochaines années. Il défend le travail des scientifiques qui ont travaillé sur le dossier. « Nous avons obtenu des études non seulement de Monsanto, mais aussi d’autres entreprises, explique-t-il. Nous avons accès aux données brutes, ce qui nous permet de faire nos propres calculs pour en arriver à notre propre conclusion. »

Des limites qui varient

Les limites acceptables de résidus de glyphosate varient d’un aliment à l’autre, selon des calculs complexes qui doivent assurer une sécurité, explique Onil Samuel de l’INSPQ.

« Théoriquement, on devrait se sentir en sécurité, compte tenu de toutes les évaluations qui ont été faites. Cela dit, il demeure des incertitudes et notamment pour le glyphosate. »

On a tous entendu parler de la polémique sur le potentiel cancérogène du produit. Il demeure encore, à mon sens, beaucoup d’incertitudes.

Une citation de Onil Samuel, expert et conseiller scientifique, INSPQ

Louise Vandelac ajoute : « Ce n’est pas parce qu’on mange tel aliment qu’il va y avoir tel problème. C’est beaucoup plus complexe. Mais pourquoi exposer les populations de cette façon-là, quand, prétendument, notre première tâche, c’est d’assurer la santé des populations et de l’environnement? »

« On vérifie les habitudes alimentaires, réplique Frédéric Bissonnette de Santé Canada. Comme les enfants prennent plus de jus de fruits, on va considérer que les jus vont contribuer à une certaine portion du risque chez les enfants. » Il ajoute que l'analyse du risque est faite en fonction du panier d’épicerie moyen.

Dans 69 échantillons analysés, les aliments dépassent les limites permises. Mais Santé Canada ne procède pas forcément à un rappel. « Les limites de résidus ne sont pas l’unique mesure de sécurité, explique M. Bissonnette. Un aliment qui dépasse [les limites], ça ne veut pas nécessairement dire que le risque pour la santé humaine a été dépassé. »

Le reportage de Denis Gagné et Caroline Gagnon a été diffusé à l'émission L'épicerie, mercredi, à 19 h 30, à ICI Radio-Canada Télé.

Avec la collaboration de Naël Shiab

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