La durée de vie d’une éolienne est de 20 à 30 ans. Mais depuis quelques temps d’anciens parcs sont démantelés avant d’atteindre cet âge. La technologie dans ce domaine ayant fort évolué, le remplacement d‘anciennes machines par des éoliennes plus puissantes et plus productives est rentable et permet aussi de produire plus d’énergie renouvelable. Mais que fait-on alors des éoliennes démantelées ? Leur recyclage est-il possible ?

C’est à Ulfborg au Danemark qu’a été construite en 1975 la première grande éolienne européenne munie de pales en fibre de verre. D’une puissance de 0,9 MW, elle tourne toujours aujourd’hui et produit de l’électricité pour le centre scolaire de Tvind. Mais c’est dans les années ’80 et ’90 que les parcs éoliens ont commencé à se multiplier sur notre continent. Aujourd’hui, après plus de 20 ans de bons services, ces machines sont démantelées pour être le plus souvent remplacées par des éoliennes plus puissantes. En France, on estime à 1.500 le nombre de turbines à démonter dans les cinq ans à venir. Or, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) comporte une clause qui spécifie que le recyclage des principaux composants des éoliennes sera rendu obligatoire d’ici 2023. Cette perspective est à l’origine de la création d’une filière française pour le démantèlement des éoliennes en fin de vie. Dénommée D3R elle vise la Déconstruction des parcs éoliens, le Reconditionnement des gros composants, le Recyclage des pales et la Revente des métaux, des matériaux recyclés et des composants. A terme, plusieurs centaines d’emplois seront créés.

Démontage et remise en état du site

Il existe un marché de l’occasion pour les anciennes éoliennes. Elles prennent parfois le chemin de la Pologne ou de la Russie pour y poursuivre une seconde vie. Mais, le plus souvent elles sont mises au rebut. Les turbines sont alors démontées. Si le site n’est plus utilisé pour l’exploitation du potentiel éolien, il est débarrassé de tous les équipements liés au projet et le terrain restitué à son usage initial ou à une autre destination approuvée.

En France, la règlementation précise, dans un article du Code de l’environnement, que l’exploitant est responsable de la remise en état du site. A cet effet, les promoteurs doivent, au moment de la construction d’un parc, provisionner une somme de 50.000 € par éolienne pour son futur démantèlement. Les premiers démontages effectués en France ont montré que ce montant correspond au coût réel. Un arrêté ministériel impose l’enlèvement des câbles électriques enterrés, l’excavation des fondations sur une profondeur minimale de 1 mètre (dans le cas de terrains agricoles) et leur remplacement par des terres dont les caractéristiques sont comparables au sol en place. Les aires de grutage et les chemins d’accès doivent aussi être déconstruits sauf si le propriétaire du terrain souhaite les conserver. L’avis de celui-ci sur la remise en état du site est une des pièces qu’il faut annexer à la demande d’autorisation. Dans le cadre de la location de son bien à l’exploitant éolien ce propriétaire peut d’ailleurs fixer, dans une convention de droit privé, des conditions de remise en état plus contraignantes que celles prévues par les textes législatifs, par exemple l’enlèvement complet des fondations.
En Belgique la réglementation prévoit des règles similaires. La provision à constituer pour le démantèlement est toutefois plus importante et varie en fonction de la puissance de la turbine.

Découpage du mat d’une éolienne en cours de démantèlement à Perwez (Wallonie)

Recyclage

Les parties métalliques comme le mat et le rotor constituent plus de 90 % du poids des aérogénérateurs et se recyclent sans problème dans les filières existantes. La valeur marchande de ces ferrailles fait d‘ailleurs souvent du démontage d’une éolienne une opération rentable. Le béton armé des fondations peut aussi être facilement valorisé : trié, concassé et déferraillé il est réutilisé sous la forme de granulats dans le secteur de la construction. La vidéo ci-dessous illustre une opération de démolition et de recyclage de la fondation d’une éolienne.

Que fait-on des pales ?

Les pales d’une éolienne sont constituées de matériaux composites à base de fibres de verre ou de carbone difficiles à recycler. On estime pourtant que d’ici 2021 plus de 50.000 tonnes de pales d’éoliennes seront déclassées. L’industrie s’est donc mobilisée pour trouver des solutions. Le problème est d’ailleurs plus vaste que celui du recyclage des éoliennes puisque ces mêmes matériaux sont utilisés pour de nombreuses autres applications, comme par exemple les coques de bateaux et de kayaks, les planches à voiles, des réservoirs, des éléments de carrosserie dans la construction automobile, des pièces pour l’aéronautique, etc.

Une première difficulté réside dans l’encombrement de ces pales dont la longueur peut varier entre 20 et 50 mètres. Leur transport en une pièce vers les usines de recyclage serait une opération coûteuse et fastidieuse. C’est la raison qui a incité la multinationale française Veolia à mettre au point une grande scie à pales d’éoliennes qui permet de les découper en morceaux, directement sur place, rendant leur transport plus aisé.
Elles peuvent alors être broyées et valorisées comme combustible dans les cimenteries, en remplacement des carburants fossiles traditionnellement utilisés. Les cendres servent ensuite de matière première dans la fabrication du ciment. Cette technologie évite donc la production de déchets.
Une autre possibilité consiste à utiliser le broyat de pales pour fabriquer de nouveaux matériaux composites. C’est notamment la solution mise au point par l’Université de Washington en collaboration avec General Electrics (GE) et Global Fiberglass Solutions Inc (GFSI) de Seattle. Le produit baptisé Ecopolycrete obtenu à partir du broyage des pales serait aussi résistant que les composites à base de bois. De très nombreux usages peuvent être envisagés comme des dalles de sol, des glissières de sécurité le long des axes routiers, des plaques d’égout, des skateboards, des meubles ou des panneaux pour le bâtiment. En moins d’un an, GFSI a recyclé 564 pales selon cette méthode, et l’entreprise estime qu’elle pourrait transformer en produits utiles plus de 20.000 tonnes de déchets de matériaux composites dans les deux années à venir.

Une seconde vie pour les pales

A Rotterdam, aux Pays-Bas, un bureau d’architectes a imaginé une utilisation plus originale et ludique pour les anciennes pales d’éoliennes. Il a conçu une aire de jeux en utilisant des morceaux de pales d’anciennes turbines pour aménager des tunnels, des tours, des toboggans, des rampes, des glissières et des obstacles qui font le bonheur des enfants. Ces éléments ont été fixés au sol et peints en blanc avec des bandes de couleurs vives.

A Rotterdam, des morceaux de pales d’éoliennes équipent une aire de jeux

Sur la Willemsplein, la municipalité a également installé des bancs publics fabriqués avec des morceaux de pales d’éoliennes. Plus au nord, la ville hollandaise d’Almere, a créé des abribus en utilisant ces mêmes déchets de pales, et au Danemark, on en fait des abris vélo. Selon les estimations, si seulement 5% de la production annuelle de mobilier urbain aux Pays-Bas, tels que les aires de jeux, les bancs publics et les abribus étaient fabriqués avec des pales de turbines déclassées, on pourrait recycler utilement les 400 pales démantelées chaque année dans le pays.

Des bancs publics fabriqués avec des pales d’anciennes éoliennes

Aalborg au Danemark : les vélos sont abrités sous un morceau de pale d’éolienne