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Est-il vrai que les bananes et les humains partagent 50% de leur ADN ?

Ce chiffre a une grande popularité mais il repose sur des confusions portant sur les notions d'ADN, de gènes et de proximité génétique.
par Olivier Monod
publié le 22 mai 2019 à 6h43

Question posée par Servier le 18/04/2019

Bonjour,

L'idée que l'homme partage la moitié de son ADN avec la banane se retrouve régulièrement dans la presse. On en retrouve trace en 2014 : 50% de l'ADN humain est identique à celui de la banane ! ou encore, en 2018, dans Business Insider, à hauteur de 60 %.

La plus ancienne occurrence trouvée de cette affirmation remonte à 2002. Il s'agit d'une retranscription d'une intervention orale du professeur Steve Jones. Il disait : «"L'Homme est-il un Animal comme un autre", tel est mon sous-titre, et la réponse est évidemment oui. Après tout, nous partageons 98,8 % de notre ADN avec le chimpanzé et si cela ne fait pas de nous un animal comme un autre, je ne sais pas ce qui le fera. Ceci dit, cela vaut le coup de se rappeler que nous partageons aussi 50 % de notre ADN avec les bananes et cela ne signifie pas que nous sommes moitié banane. Il y a donc des limites à ce que la génétique peut nous dire sur ce que cela signifie d'être humain».

Cette affirmation peut surprendre quand on sait que le l'ADN du bananier - complètement séquencé en 2012 - est six fois plus petit que celui de l'homme... ce qui rend impossible, d'un point de vue mathématique, l'affirmation de Steve Jones. CheckNews n'a pas réussi à joindre l'auteur du propos, aujourd'hui retraité, pour préciser ses propos.

La précision importante ici est la différence entre ADN et gène. Chez Homo sapiens, les gènes ne représentent qu'environ 2 % du total de l'ADN. Pour ajouter à la confusion, le mot génome n'a pas la même signification en fonction des usages. Il désigne parfois la totalité des l'information génétique (l'ADN total) et parfois l'ensemble de la partie codante (les gènes). Peut-on dire pour autant que nous avons 50 % de nos gènes en commun avec la banane (soit 1 % de notre ADN) ?

Le bioinformaticien Mathieu Rouard, spécialiste du génome du bananier à Bioversity International, explique que «Nous partageons un ancêtre commun avec les plantes, estimé à 1,5 milliard d'années. L'essentiel de la machinerie cellulaire (ex : Réplication de l'ADN, contrôle de l'expression des gènes ou encore synthèse de protéines) était probablement présent dans notre ancêtre eucaryote commun. Nous partageons donc des gènes communs avec le bananier comme avec les autres plantes. Le génome du bananier n'a pas de spécificité particulière au regard de sa proximité avec l'homme».

Protéines homologues

Il faut par ailleurs s'entendre sur ce qu'est un gène identique. Le National Human Genome Research Institute (NHGRI), qui est cité comme la source de Business Insider pour dire que l'Homme et la banane partagent 60 % de «similarité génétique» apporte une précision à CheckNews : «Environ 60 % des gènes de banane ont un homologue chez l'humain».

Ce ne sont pas des gènes identiques (qui ont le même code à la lettre prêt), mais ce sont des gènes, conservés au cours de l'évolution des espèces et qui codent pour une fonction similaire. «En général, pour des espèces éloignées, on ne compare pas la séquence des gènes mais plutôt les séquences des protéines pour lesquelles ils codent», explique Mathieu Rouard. Stricto sensu, on ne parle pas de gènes identiques mais plutôt de gènes homologues (qui partagent une origine évolutive commune).

Enfin, attaquons-nous au chiffre : 50 % ? 60 % ? D'autres avancent des chiffres de 17 % ou 35 %. «Vu la divergence très ancienne, Il est difficile de déterminer toutes ces relations d'homologies avec précision. Ça pourrait être plus ou moins selon le nombre de gènes présent chez l'ancêtre commun. Aucune étude publiée n'a encore répondu à cette question», répond Mathieu Rouard.

Un tiers ? Un cinquième ? Ou 60 % ?

D'où sort le 60 % du NHGRI ? «D'une expérience non publiée mais dont les résultats avaient été évoqués dans une exposition du Smithsonian Museum of Natural History», répond Lawrence Brody, directeur du département génétique et société du NHGRI. Il a expliqué la signification de ce chiffre à CheckNews.

Les chercheurs ont comparé les séquences des protéines humaines et des protéines de bananiers. Ils ont trouvé 7000 homologues. C'est-à-dire 7000 protéines qui ont la même fonction. Ces homoloques sont, en moyenne identiques à 60 %. Business Insider avait donc raison quand il parlait de «proximité génétique». Les protéines homologues entre le bananier et l'humain sont, en moyenne, semblables à hauteur de 60 %.

Ce chiffre ne signifie donc pas que 60 % des gènes du bananier et de l’humain sont homologues. En effet si on rapporte les 7000 homologues trouvés à la taille des parties codantes des génomes respectifs, on trouve des chiffres différents.

Chez Homo sapiens, la partie codante du génome représente environ 20 400 gènes. Un tiers a donc un homologue chez la banane. Chez le bananier, la partie codante du génome comporte environ 35 000 gènes. Un cinquième a donc un homologue chez l’humain.

Cordialement

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