Ce sont des cultivateurs de pommes de terre en Guinée qui voient leurs récoltes pourrir dans des hangars et leurs revenus s’effondrer. Ce sont des familles des bidonvilles de Dacca, au Bangladesh, qui ont perdu leur emploi et n’ont, pour toute nourriture pour les prochains jours, que quelques poignées de riz et d’oignons. Ce sont encore des étudiants à Villeneuve-d’Ascq, en France, privés de restaurant universitaire et de petits boulots, qui, pour tromper la faim et faire l’économie d’un repas dans la journée, veillent et se réveillent le plus tard possible… En ce printemps 2020, ils sont les nouveaux visages de la faim.
Dans tous les pays frappés par la pandémie de Covid-19, des plus riches aux plus pauvres, la malnutrition a gagné de nouvelles populations. Les rues de Genève, l’une des villes les plus fortunées du monde, ont vu se former, chaque samedi, des files de plusieurs centaines de mètres pour recevoir des paniers alimentaires. Partout, la crise, dont on est loin encore de mesurer l’ampleur finale, pourrait faire basculer dans la faim des dizaines de millions de personnes. L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a calculé qu’elles seraient 14,4 millions à rejoindre les rangs de la sous-alimentation en cas de récession globale de 2 %, 38,2 millions si la contraction atteint 5 %, et jusqu’à 80,3 millions pour un repli de 10 % – le recul est pour l’heure estimé à 3 % en 2020. Ces nouveaux malnutris viendront s’ajouter aux 820 millions de personnes souffrant déjà de faim, soit un Terrien sur neuf.
L’objectif « faim zéro » d’ici à 2030 que s’est fixé la communauté internationale semble de moins en moins atteignable. Le rapport sur la nutrition mondiale, publié mardi 12 mai, vient rappeler que tous les voyants étaient au rouge en début d’année avant même que le Covid-19 ne gagne l’ensemble des continents. Cette publication, lancée en 2013 par plusieurs dizaines de parties prenantes (experts en nutrition, membres d’agences internationales, représentants du secteur privé et de la société civile, donateurs), dresse un état des lieux des indicateurs de nutrition.
« La malnutrition persiste à des niveaux inacceptables à l’échelle mondiale. En dépit de quelques améliorations en matière d’allaitement des nouveau-nés, les progrès sont trop lents pour atteindre les objectifs de nutrition », s’alarment les auteurs du rapport. Parmi les motifs d’inquiétude : la part de femmes en âge de procréer anémiées, qui stagne à 32,8 %, les retards de croissance, qui affectent 21,9 % des enfants de moins de 5 ans, et l’émaciation, qui touche 7,3 % d’entre eux.
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