LETTRE DE BANGKOK
Les conséquences du Covid-19 en Thaïlande, où les faillites se sont multipliées et l’industrie touristique s’est effondrée, vont peut-être faire plus de morts que le virus lui-même : 2 551 personnes se sont suicidées dans le royaume entre les mois de janvier et de juillet, vient de révéler une statistique du ministère de la santé. Soit une augmentation de 22 % par rapport aux six premiers mois de 2019.
Sur le plan sanitaire, la gestion de l’épidémie s’est révélée l’une des plus remarquables au niveau mondial : environ 3 500 cas d’infection et « seulement » 59 morts pour 69 millions d’habitants… Mais la crise économique et l’anxiété qu’elle suscite chez une partie de la population ont poussé un nombre croissant de gens à mettre fin à leurs jours. Même si tous les suicides ne sont bien sûr pas forcément liés aux effets sociaux économiques de l’épidémie...
« Depuis le début de l’année, nous avons reçu plus de dix mille appels de détresse », observe cependant Trakarn Chensy, directeur de l’ONG Samaritains de Thaïlande. Depuis 1978, cette association de bénévoles permet à des personnes dépressives ou suicidaires de se confier au téléphone – et désormais en ligne – dans un pays où l’expression des émotions et des désordres de l’intime reste compliquée. « Cette année, l’augmentation des appels au secours apparaît d’ores et déjà impressionnante », précise M. Chensy.
La crise économique provoquée par le Covid-19 – fermeture des frontières, absence de visiteurs dans un pays où le tourisme représente presque 20 % du PIB, décroissance de l’activité – a donc fait exploser les statistiques habituelles. Or le taux de suicide était depuis des années constant, avec environ 6,6 morts pour 100 000 habitants. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait publié en 2016 des informations plus spectaculaires, indiquant que le taux pourrait être de 14,4 suicides pour le même nombre d’habitants. Ces chiffres sont cependant infirmés par le ministère thaïlandais de la santé.
« Personne ne m’aide ! »
Cette année, la presse et les réseaux sociaux se sont fait l’écho de cas de personnes qui se sont tuées en raison de l’impact du Covid-19 sur leur vie : le 27 avril, une dame nommée Anyakan Booprasert a avalé de la mort-aux-rats devant le ministère des finances en criant : « Personne ne m’aide ! » Elle protestait contre le fait qu’elle n’avait pas reçu la somme de 5 000 baht (135 euros) promise par le gouvernement aux plus nécessiteux, programme d’aide mis sur pied alors que la crise pointait. Elle a survécu et le gouvernement a promptement annoncé le lendemain que les 5 000 baht avaient été versés sur son compte.
Il vous reste 55.43% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.