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Covid-19: des défaillances cardiaques recensées chez des enfants

Au moins une quinzaine de défaillances cardiaques ont été recensées dans les réanimations parisiennes, notamment chez des enfants de 8 à 15 ans, ces dernières semaines. La majorité de ces jeunes patients sont ou ont été infectés par le Covid-19. Si l'évolution des malades reste favorable, des médecins ont alerté les autorités sanitaires.

C'est un afflux inhabituel qui a conduit les chefs de services de réanimation pédiatrique à s'interroger. Puis à échanger. Depuis trois semaines, trois grands services parisiens ont recensé au moins une quinzaine de cas de myocardites, c'est-à-dire d'inflammation du tissu musculaire du coeur, qui conduisent à des défaillances cardiaques, chez des jeunes patients.

"A l'hôpital Trousseau, nous en avons constaté trois en dix jours, contre deux ou trois par an habituellement", détaille le Professeur Pierre-Louis Léger, chef de service de la réanimation pédiatrique de l'hôpital Trousseau (AP-HP). "A Necker, c'est plus d'une dizaine et à l'hôpital Robert Debré, trois ou quatre", poursuit-il. "Autant dire un bilan totalement anormal en cette période".

"En une dizaine de jours, j’ai vu autant de jeunes patients admis avec une atteinte cardiaque que sur une année. Il s’agit de trois malades testés positifs, et j’ai un doute pour une quatrième", confirme Stéphane Dauger, chef de service de la réanimation pédiatrique de l'hôpital Robert Debré (AP-HP). "Cela a probablement une coïncidence avec la pandémie; après, est-ce le Covid lui-même? La première étape est de repérer tous les cas pour creuser, d’essayer de décrire l'histoire clinique des patients avant de faire des hypothèses", précise-t-il. 

Un document transmis par le Centre maladies rares des malformations cardiaques congénitales recense lui au moins 25 cas en trois semaines dans les réanimations parisiennes, "dont neuf rien qu’à Necker sur les deux derniers jours". Cette note évoque "un nombre croissant d’enfants de tous âges (...) hospitalisés dans un contexte d’inflammation multi-systémique associant fréquemment une défaillance circulatoire avec des éléments en faveur d’une myocardite".

"Cela ressemble à des myocardites virales ou à la maladie de Kawasaki"

Selon le professeur Léger, les huit premiers patients ont entre 8 et 15 ans. Ceux du professeur Dauger moins de 10 ans. La plupart n'a pas de comorbidité, c'est-à-dire de maladie préexistante. Souvent, les jeunes malades ont présenté des signes digestifs, de la fièvre, puis un état de choc respiratoire. 

"Cela ressemble à des myocardites virales ou à la maladie de Kawasaki, une maladie inflammatoire, sans en être une car cette maladie est fréquente chez des enfants plus jeunes (moins de 5 ans généralement) et que le tableau n'est pas typique; c'est-à-dire que tous les symptômes ne collent pas", analyse le professeur Léger.

Toujours selon ce médecin, la majorité des enfants ont été testés positifs au Covid-19, soit par test diagnostic, soit par test sérologique. C'est-à-dire qu'ils ont des anticorps montrant qu'ils ont été infectés antérieurement, souvent sans symptômes.

"Nous ne comprenons pas encore pourquoi cet afflux de jeunes patients est retardé par rapport à celui de l’épidémie en Ile-de-France. Nous n’affirmons pas qu’il y a une causalité entre l’infection par le Covid-19 et ces tableaux cliniques. Mais une hypothèse en ferait une maladie secondaire au Covid-19, comme une conséquence d'une infection souvent passée inaperçue. Un phénomène inflammatoire à retardement", estime le réanimateur pédiatrique. 

Contacté par BFMTV, le ministère de la Santé assure que "rien ne permet d'établir aujourd'hui un lien entre la maladie de Kawasaki et le Covid-19": "La direction générale de la Santé reste donc vigilante et en lien permanent avec les chercheurs, les sociétés savantes et l’agence nationale de santé publique sur ce sujet."

Une alerte à Santé Publique France

Reste une nouvelle encourageante: "L'évolution des malades traités est plutôt favorable, même s'il nécessite un séjour en réanimation, et des médicaments pour soutenir le coeur", précise Pierre-Louis Léger. Qui note toutefois une issue heureuse: "Pour les trois patients de mon service à Trousseau, tous ont récupéré". 

"Je constate aussi une évolution favorable en quatre ou cinq jours de traitement, avec des immunoglobulines. Il faut rassurer les parents, cela reste des cas rares qui ne remettent pas en cause le fait que les enfants sont moins sujets à des formes graves, et sont sans doute moins porteurs, moins vecteurs que les adultes", abonde le professeur Dauger. 

Forts de leur constat surprenant, les médecins ont tout de même alerté Santé publique France ce lundi. De l'autre côté de la Manche, un signalement similaire a été lancé par leurs confrères britanniques auprès de la NHS, le service de santé publique britannique. Dans son communiqué, le "National Health Service" explique que des médecins disent avoir pris en charge des enfants d'âges divers, gravement malades, subissant "une inflammation" généralisée accompagnée de symptômes pseudo-grippaux. L'infection au coronavirus n'a pas toujours pu être détectée chez eux.

"Nos collègues londoniens, espagnols et belges confirment ce problème émergent", abonde auprès de BFMTV un autre médecin.

Ces formes graves restent cependant exceptionnelles. En France, selon le dernier bulletin épidémiologique de Santé publique France, les moins de 14 ans représentent moins de 1% des hospitalisations pour Covid-19. Au 21 avril, sur les 5405 patients admis en réanimation, 26 avaient moins de 14 ans.

Margaux de Frouville