FAKE OFFNon, la fabrication bénévole de visières de protection n'est pas interdite

Coronavirus : Non, le gouvernement n’a pas interdit la fabrication bénévole de visières de protection

FAKE OFFDe nombreux internautes se sont inquiétés d'une mesure du gouvernement qui interdirait, selon l'interprétation qui en a été faite, de poursuivre la fabrication bénévole de visières de protection contre le Covid-19
Alexis Orsini

Alexis Orsini

L'essentiel

  • Depuis l'entrée en vigueur du confinement, des bénévoles ont fabriqué des visières de protection contre le Covid-19.
  • Cette initiative serait pourtant susceptible d'être considérée comme de la concurrence déloyale ou du travail déguisé depuis l'adoption de nouvelles normes de conformité fin avril, selon une interprétation répandue sur les réseaux sociaux.
  • Si une nouvelle norme a bien été mise en place, elle n'empêche pas la fabrication bénévole de visières, mais celles-ci ne peuvent être présentées comme un moyen de protection contre le Covid-19, comme l'explique la Direction générale des entreprises à 20 Minutes.

Une mesure du gouvernement a-t-elle mis fin à l’activité des nombreux bénévoles qui fabriquaient, depuis plusieurs semaines, des visières en plastique pour fournir des protections face au Covid-19 ?

C’est ce que laisse penser un tweet viral publié il y a quelques jours : « La plateforme https://covid3d.fr qui distribuait gratuitement des visières imprimées en 3D ferme parce que donner ou vendre à prix coûtant, c’est de la concurrence déloyale pour les profiteurs de guerre. La nausée, les mains sales, et pas de visière. » La publication s’accompagne de la capture d’écran d’un message publié par le site en question annonçant la « fermeture définitive de Covid3D ». La capture mentionne des instructions de la direction générale du travail (DGT) et de la direction générale des entreprises (DGE) sur les « conditions de mise sur le marché des visières de protection ».

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« Pour résumer cette directive : le don ou la vente à prix coûtant d'une visière peuvent être requalifiés en concurrence déloyale. La réalisation d'une visière gratuitement, même par un bénévole, peut être requalifiée en travail déguisé. Les visières doivent désormais répondre à une norme technique que nous ne sommes pas en mesure de contrôler », peut-on lire dans ce texte.

Si ce communiqué très relayé a donné lieu à de nombreuses interprétations et critiques dans la communauté des « makers », habitués à fabriquer leur propres objets, et notamment chez les fabricants bénévoles de visières, il prête à la mesure gouvernementale une portée et une intention erronées.

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Le texte en question a d’ailleurs été modifié sur le site de Covid3D puisque le message résume désormais cette « directive » à une seule caractéristique : « Les visières doivent désormais répondre à une norme technique que nous ne sommes pas en mesure de contrôler. »

Contacté par 20 Minutes, un membre de l’équipe du site Covid3D nous explique : « Le texte que nous avons publié se basait sur des informations lues sur un autre site, qui ne disait pas que la fabrication bénévole de visières de protection était interdite mais qui émettait plusieurs hypothèses sur les conséquences et l’origine de cette décision. Comme le tout se basait sur des interprétations, nous avons finalement préféré le mettre à jour pour évoquer simplement la nouvelle norme technique ».

Jointe par 20 Minutes, la DGE indique pour sa part que « les deux documents du 30 et du 23 avril 2020 visent à simplifier la mise sur le marché de visières de protection contre le Covid tout en assurant un niveau de sécurité adapté à la protection contre ce virus et pas à donner de nouvelles contraintes aux producteurs ». Respectivement en autorisant la mise sur le marché de visières dont le processus d’évaluation de la conformité n’est pas encore terminé, et en simplifiant les essais requis pour réaliser cette évaluation.

Un « flou juridique »

Mais la lecture du communiqué du site Covid3D, couplée à un manque d’informations vérifiées sur le sujet, a provoqué l’inquiétude de plusieurs fabricants bénévoles de visière, comme Alexandre Henic, en Nouvelle-Aquitaine. « J’ai pris peur en lisant ces histoires de concurrence déloyale et de travail déguisé, donc je me suis renseigné, j’ai discuté avec d’autres fabricants, qui m’ont expliqué que c’était une simple interprétation des textes, mais il y a un vrai flou juridique autour de cette question, donc j’attends la réponse de la préfecture pour savoir si je peux continuer à fabriquer bénévolement des visières », explique-t-il à 20 Minutes.

Une étape déjà franchie par Ghislain Vineis, un autre « maker » bénévole de visières, qui se félicite des retours obtenus de ses différents interlocuteurs : « J’ai appelé le numéro vert du gouvernement sur le Covid pour demander ce qu’il en était, la personne a demandé à son responsable, qui m’a confirmé que j’ai bien le droit, en tant que bénévole, de fabriquer des visières, ils m’ont même dit "allez-y, foncez et bravo pour votre initiative". J’ai également contacté la préfecture de la Drôme qui m’a dit "pas de problème, vous pouvez fabriquer des visières" ».

La fabrication de visière non normée reste possible, à une condition

La Direction générale des entreprises nous le confirme également : « Bien entendu, il reste possible de fabriquer des visières qui ne respectent pas les exigences évoquées ci-dessus mais, dans ce cas, il n’est pas possible d’alléguer qu’elles protègent le porteur contre le Covid-19. Ainsi, contrairement à [ce qui a été dit sur les réseaux sociaux], le don ou la vente à prix coûtant d'une visière ne peuvent pas être requalifiés en concurrence déloyale. De même, la réalisation d'une visière gratuitement, même par un bénévole, ne sera pas requalifiée en travail dissimulé ».

Et de conclure : « Si une visière n’est pas réalisée conformément à une norme et n’a pas fait l’objet d’une évaluation par un organisme tiers, elle peut tout de même être mise sur le marché à condition qu’aucune mention ne puisse laisser entendre que la visière servirait de protection contre le Covid-19 ou tout autre agent biologique », conclut la DGE.

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