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Hoax climatique #5 : « En l’an mil, il faisait bien plus chaud qu’aujourd’hui ! »

Il y a mille ans, le Groenland était-il vraiment un doux pays verdoyant, argument avancé par les climato-sceptiques pour relativiser l’ampleur du réchauffement ?

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Publié le 04 novembre 2015 à 13h41, modifié le 05 novembre 2015 à 19h21

Temps de Lecture 3 min.

Reconstitution d'un navire viking du Moyen-Age, au Groenland.

Chaque semaine jusqu’à la COP21, Le Monde analyse un « hoax » (mensonge créé de toutes pièces) climatique pour décrypter et démystifier les nombreuses contre-vérités qui circulent sur le réchauffement de la planète.

Le fait est connu : entre l’an 900 et l’an 1 250 environ, l’Europe occidentale a été marquée par des températures très clémentes. Cet épisode long de trois siècles et demi, baptisé « optimum médiéval » ou « anomalie climatique médiévale », a permis aux Vikings établis en Islande d’installer deux colonies sur les côtes occidentales du Groenland.

Il n’en faut pas plus à certains pour avancer l’idée qu’à l’époque, le Groenland offrait de vastes paysages verdoyants, image très éloignée de cette terre aujourd’hui ensevelie sous une calotte de glace épaisse de plus de 2 000 mètres par endroit. L’étymologie scandinave semble d’ailleurs le confirmer puisque Groenland signifie « Pays vert »… Souvent mise en avant par les climato-sceptiques, l’idée est simple : si cette région était si chaude il y a 1 000 ans, alors l’ampleur du réchauffement en cours doit être largement relativisée… non ?

Un pays pas totalement vert

La réalité est très différente. D’une part, les deux colonies vikings installées sur la côte occidentale de la grande île n’ont jamais totalisé que 3 000 à 5 000 individus. L’idée d’un Groenland hospitalier et densément peuplé est trompeuse : la calotte glaciaire y était déjà fermement installée depuis plusieurs centaines de milliers d’années.

Quant à l’étymologie – le « Pays vert » –, il suffit pour l’expliquer de revenir à la source. En particulier à la Saga d’Erik Le Rouge, le fondateur de la première colonie viking au Groenland, autour de 985. Que dit ce texte, daté des alentours du XIIIe siècle ? Qu’« Erik partit pour coloniser le pays qu’il avait découvert et qu’il appelait le “Pays vert”, parce que, disait-il, les gens auraient grande envie de venir dans un pays qui avait un si beau nom ».

Le Groenland ne fut donc pas « vert » il y a mille ans. Pas plus, d’ailleurs, qu’il n’est aujourd’hui complètement « blanc ». « Contrairement à une opinion très répandue, le Groenland n’est pas entièrement recouvert par les glaces, explique la climatologue Valérie Masson-Delmotte (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, CEA), membre du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Sur une bande côtière de 20 km environ, au sud et à l’ouest, on trouve une végétation de type toundra, avec des buissons, des arbustes, etc. »

Pour autant, les températures étaient-elles plus ou moins douces qu’actuellement ? L’analyse du pollen piégé dans des sédiments lacustres prélevés sur place montre que l’environnement végétal est « plus ou moins le même aujourd’hui qu’il y a mille ans », selon la palynologue Emilie Gauthier et le géologue Vincent Bichet (CNRS, université de Franche-Comté).

Réchauffement localisé

De là à penser que les changements actuels s’apparentent à un simple retour à l’optimum climatique de l’an mil, il n’y a qu’un pas. A ne pas franchir : la quasi-totalité des travaux de reconstruction des températures du dernier millénaire dans l’hémisphère Nord (basés sur des analyses de cernes d’arbres, d’enregistrements sédimentaires ou glaciaires, etc.), montrent ainsi que la période actuelle est en réalité très probablement plus chaude que l’optimum médiéval.

L'ensemble des reconstructions de températures du dernier millénaire (dans l'hémisphère Nord) montrent que la période actuelle est plus chaude que l'optimum médiéval, la période chaude qui a culminé autour de l'an mil.

Quant aux raisons de ce réchauffement transitoire, elles font l’objet de débats au sein de la communauté scientifique. Une augmentation de l’activité solaire, combinée à des facteurs internes de la machine climatique, serait probablement en cause.

Enfin, des travaux de paléoclimatologie conduits par Michael Mann (université de Pennsylvanie), et publiés en 2009 dans la revue Science, ont montré que l’optimum médiéval ne s’est fait sentir que localement, dans certaines régions de l’hémisphère Nord. Ailleurs, dans l’hémisphère Sud, cette même période a plutôt été marquée par un refroidissement… A l’inverse, le réchauffement actuel est global, ressenti sur l’ensemble de la planète, depuis les deux pôles jusqu’aux tropiques…

« Petit âge glaciaire »

En Europe, à partir de 1450 et pendant quatre siècles, un « petit âge glaciaire » a succédé à l’optimum médiéval. Cette période fraîche pourrait être, elle aussi, au moins partiellement due à l’activité solaire. Cette dernière a enregistré, entre 1645 et 1715, une baisse importante baptisée « minimum de Maunder » – du nom de l’astronome qui, le premier, l’a mise en évidence à la fin du XIXsiècle. Mais le soleil n’est pas la seule cause possible à ce refroidissement : le volcanisme est aussi parfois mis pointé du doigt. Lors des grandes éruptions comme celles du Tambora (1815) ou du Laki (1783), les cendres volcaniques émises dans la haute atmosphère peuvent occulter le rayonnement solaire et participer ainsi à un refroidissement momentané…

Que sont devenus les Vikings du Groenland pendant ce petit âge glaciaire ? Leur histoire montre en réalité la grande sensibilité des sociétés aux changements climatiques. Dès le XVsiècle, sous l’effet de la chute des températures, les colonies de la grande île ont été abandonnées, vidées de leurs habitants.

Les autres hoax de la série :

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