Plus de doute, les plantes savent communiquer ! Loin des clichés sur les plantes vertes et passives, la biologie végétale ne cesse d’observer depuis une quinzaine d’années des facultés surprenantes que l’on croyait réservées au monde animal. Elles communiquent entre elles et avec des insectes, « appellent » la pluie, élaborent des stratégies pour combattre des agresseurs, alertent leurs voisines en cas de danger, gardent des événements en mémoire, et, à la grande surprise des chercheurs, sont parcourues de signaux électriques mystérieux.
« Certains aspects sont connus depuis longtemps : les fleurs sentent bon pour attirer les pollinisateurs, les fruits sont colorés et parfumés pour attirer les animaux qui dispersent les graines, rappelle Francis Hallé, botaniste, ancien enseignant à l’université de Montpellier et auteur de Plaidoyer pour l’arbre (Actes sud, 2005). Mais ce qui est intéressant et nouveau, c’est la communication entre les plantes elles-mêmes. »
Le biologiste sud-africain Wouter Van Hoven a montré que des acacias avaient tué près de 3 000 koudous dans les ranchs.
Le premier exemple, et sans doute le plus spectaculaire, fut découvert dans les années 1990, lorsque le biologiste sud-africain Wouter Van Hoven montra que des acacias avaient tué près de 3 000 koudous dans les ranchs ! Les arbres s’étaient mis à produire plus de tanins (molécules au goût amer) pour rendre toxique la digestion des feuilles par ces herbivores trop nombreux qui menaçaient la survie des végétaux. Les branches blessées émettaient alors un gaz volatil, l’éthylène, pour prévenir les autres acacias du danger afin qu’ils enclenchent à leur tour leur système de défense avant même l’arrivée des koudous.
Résistant à l’inflammation
Plus tard, en 2015, des chercheurs ont publié une étude étonnante sur le cas de cyprès qui résistent au feu. Le botaniste espagnol Bernabé Moya avait constaté en 2012 qu’à la suite d’un incendie dans la région de Valence, seuls 12 cyprès méditerranéens sur 946 avaient brûlé, alors que les autres végétaux s’étaient bien moins défendus. Comment l’expliquer ?
Côté plante, on a observé que le cyprès (Cupressus sempervirens) est très résistant à l’inflammation en raison de la constitution de ses feuilles : ses « écailles » sont capables de retenir l’eau, avec 84 % à 96 % d’humidité, même par temps sec et chaud. Le cyprès met sept fois plus de temps à brûler qu’un pin. Côté sol, les feuilles sèches forment une litière épaisse qui retient l’eau.
Enfin, côté ciel, quand le feu approche et que la température du cyprès atteint 60 °C, celui-ci dégage dans l’atmosphère des composés volatils et semble prévenir ses congénères, qui libèrent aussi des molécules avant même que leur température n’augmente : « Les feuilles sont composées, outre la cellulose et de la lignine, leurs éléments de structure, d’un mélange organique de résines – composés de terpènes, etc. – qui, lorsqu’il est libéré dans l’atmosphère, se transforme en composés organiques volatils », explique Bernabé Moya. En se libérant d’une partie de sa résine inflammable, le cyprès réduit fortement ses risques de brûler.
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