Psychologie comportementale

L’empathie, ferment de la moralité

En éprouvant ce que ressent autrui, nous nous mettons à sa place et comprenons comment l'aider. La moralité empathique est un ciment social.

L'ESSENTIEL CERVEAU & PSYCHO N° 18
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Au fil des années, les recherches sur la morale ont évolué. Au début des années 1900, on s'intéressait surtout aux traits de caractère et aux comportements : on cherchait, par exemple, ce que signifie dire la vérité et ne pas tricher. Dans les années 1950, on tenta de définir le jugement moral et la prise de décision. Puis au milieu des années 1960, l'intérêt s'est porté sur l'altruisme et la moralité prosociale : le meurtre d'une New Yorkaise, sous les yeux de 30 personnes qui avaient observé la scène de la fenêtre de leur appartement sans tenter d'intervenir, a bouleversé la communauté internationale. Aujourd'hui, la recherche sur la moralité s'intéresse à notre attitude vis-à-vis d'autrui (comment aider, ne pas nuire) ou à la notion de justice (par exemple l'équité dans la répartition des richesses).

La recherche qui a suivi le meurtre de New York a révélé que la présence de plusieurs personnes dilue les sentiments de responsabilité, chacun pensant que puisque personne ne fait rien, c'est qu'il n'y a pas d'urgence. Plusieurs équipes étudient la motivation et les émotions des témoins – l'empathie, la sympathie – et le sentiment de culpabilité. Depuis une quarantaine d'années, j'étudie ce que j'appelle la moralité empathique, c'est-à-dire la sympathie et le sentiment de culpabilité. Je commencerai par définir l'empathie, puis je décrirai brièvement les modes d'activation de l'empathie et les étapes développementales de la moralité empathique.

Cinq modes d'activation empathique

L'empathie a été définie, d'une part, comme une conscience cognitive des états internes d'autrui (pensées, sentiments, intentions) et, d'autre part, comme la réponse affective aux autres. Qu'est-ce que l'empathie affective ? On est empathique quand on ressent ce que le modèle ressent, ou ce que l'on peut raisonnablement estimer qu'il ressent dans la situation donnée. Les émotions sont en général identiques, mais pas toujours : on peut ressentir une colère empathique en voyant quelqu'un qui est attaqué, même si la victime se sent triste, plutôt qu'en colère. Les individus peuvent éprouver par empathie n'importe quel sentiment, mais c'est la détresse empathique qui a la plus grande pertinence dans le cadre moral qui nous intéresse : on a de l'empathie pour quelqu'un qui souffre, qui est en danger ou se trouve dans une situation de détresse (émotionnelle, économique).

Quand des badauds sont témoins de la détresse d'autrui, une question morale se pose : pourquoi lui viennent-ils (ou ne lui viennent-ils pas) en aide ? Différentes études ont montré sans ambiguïté que l'activation de la détresse empathique conduit les passants à porter secours, et plus la souffrance de la victime est grande, plus leur détresse empathique est marquée, et plus ils aident vite. Qui plus est, s'ils aident, l'intensité de leur détresse empathique diminue et ils se sentent mieux, tandis que ce n'est pas le cas s'ils n'aident pas ou si, malgré leurs efforts, la détresse de la victime n'est pas soulagée. Ainsi, l'aide fondée sur l'empathie a bien pour objectif de soulager la détresse de la victime, et non celle de celui qui lui vient en aide. La détresse empathique est donc réellement un ciment social, c'est pourquoi on parle de moralité empathique. Nous allons examiner comment elle est activée.

Si l'empathie est si répandue, c'est sans doute qu'elle est une réaction déterminée, et j'ai découvert cinq modes d'activation empathique. Trois sont préverbaux : le mimétisme, le conditionnement et l'association directe. Les deux autres sont l'association médiatisée par le langage et la prise de perspective.

Le mimétisme fut intuitivement compris par le philosophe d'origine écossaise Adam Smith il y a deux siècles et demi puisqu'il écrivit : « La foule, lorsqu'elle regarde un funambule sur une corde souple, se tord, se contorsionne et équilibre son propre corps de la même manière qu'elle le voit faire. » Il a été défini plus précisément cent ans plus tard par le psychologue allemand Theodor Lipps comme une réaction innée, involontaire et isomorphe à l'expression des émotions d'autrui : l'observateur change automatiquement d'expression, de voix, de posture en synchronie avec le moindre changement dans l'expression faciale, vocale et posturale du modèle. Les activités musculaires impliquées dans les changements des expressions de l'observateur déclenchent chez lui des émotions conformes à celles du modèle. En d'autres termes, on observe l'expression de l'émotion d'autrui, on l'imite automatiquement, et le cerveau qui prend le contrôle nous fait ressentir ce que ressent autrui.

Le deuxième facteur est le conditionnement. Les jeunes enfants (mais cela est vrai pour n'importe qui) acquièrent des sentiments de détresse empathique lorsqu'ils observent quelqu'un en détresse tout en faisant eux-mêmes l'expérience de la détresse. Cet appariement de sa propre détresse avec les signes de la détresse d'autrui se manifeste, par exemple, dans les interactions d'une mère et de son enfant : quand une mère est anxieuse ou tendue, son corps se raidit et elle transmet sa détresse à l'enfant qu'elle tient dans ses bras. Les expressions de détresse faciales et verbales de la mère agissent comme des stimulus conditionnants : ils peuvent déclencher la détresse de l'enfant.

Le troisième facteur, l'association directe, ressemble au conditionnement, mais ne nécessite pas d'appariement initial entre la détresse d'autrui et sa propre détresse. Il suffit d'avoir ressenti des sentiments de détresse pour qu'ils soient réactivés dans des situations similaires par une expression faciale, une voix ou une posture. Un enfant voit un autre enfant se couper et pleure. La vue du sang, le son des pleurs ou tout autre indice provenant de la victime ou de l'environnement, rappellent à l'enfant ses propres expériences douloureuses et peuvent déclencher la détresse empathique. Quand des enfants sont séparés de leurs parents, même si la séparation est de courte durée, ou quand ils devinent que leurs parents ont des difficultés, ils éprouvent de l'empathie pour un ami qui vit des situations comparables.

L'enfant n'a pas conscience d'être empathique

Ainsi, dans ses modes préverbaux, l'empathie est passive et involontaire, et repose sur des indices superficiels. Elle requiert peu de traitement cognitif et ne nécessite notamment pas d'avoir conscience que la source de sa propre détresse est la souffrance d'autrui. Autrement dit, on éprouve de l'empathie sans savoir que c'est de l'empathie : les hommes sont construits de façon telle qu'ils éprouvent involontairement, mais avec force, les émotions d'autrui. Une forme primitive d'empathie existe même chez les nourrissons, ne suscitant que des émotions simples. Cette empathie diffère de l'empathie mature, qui nécessite d'avoir conscience que son sentiment de détresse est une réaction à la détresse d'autrui. C'est le développement du langage et de la cognition, sur lequel reposent les deux autres modes d'activation de l'empathie, qui permet cette évolution.

Ces deux autres modes sont l'association médiatisée par le langage et la prise de perspective. Dans le premier, la détresse de la victime est communiquée par le langage : par exemple, la personne concernée reçoit une lettre où est décrit ce qui est arrivé à la victime ou ce qu'elle a ressenti. Le message est alors le médiateur entre les sentiments de la victime et la réponse empathique de l'observateur. Celui qui l'a lu construit des représentations visuelles ou auditives des victimes (des visages tristes, des cris, etc.) et lui répond avec empathie par association directe. L'activation à travers le langage prend plus de temps, requiert plus d'efforts mentaux et introduit une distance psychologique entre les observateurs et les victimes du fait des traitements sémantiques intermédiaires. Dans la plupart des situations où des témoins sont impliqués, ils voient la victime, entendent sa détresse et à ces stimulus s'ajoutent des indices visuels ou auditifs susceptibles de stimuler les modes d'activation préverbaux et le processus empathique. Dans d'autres cas, l'empathie de l'observateur peut être activée par des modes préverbaux relativement rapides, et affinée par le traitement sémantique.

Imaginer ce qu'il ressent

Abordons maintenant la prise de perspective. Se mettre à la place d'autrui et imaginer ce qu'il ressent nécessitent un niveau élevé de traitement cognitif. Ce n'est pas nouveau : il y a deux siècles et demi, Smith et le philosophe anglais David Hume l'avaient identifié. Selon D. Hume, comme tous les individus vivent des expériences similaires, quand on s'imagine dans la position d'autrui, on convertit sa situation en images mentales qui déclenchent les mêmes sentiments que ceux de l'autre. Smith alla encore plus loin : « Par l'imagination, nous nous plaçons dans la situation d'autrui, nous nous concevons comme subissant les mêmes tourments, nous entrons, pour ainsi dire, dans son corps, et devenons dans une certaine mesure la même personne que lui, et, par conséquent, nous nous faisons une certaine idée de ses sensations, voire ressentons quelque chose qui, bien qu'à un degré moindre, n'en est pas très éloigné. » Les travaux du milieu des années 1950 ont mis en évidence trois types de prise de perspective : un type dit centré sur soi, un dit centré sur autrui et un troisième dit combiné.

Dans le type de perspective centré sur soi, on imagine ce que l'on ressentirait dans la situation d'autrui, ce qui déclenche une réaction empathique, éventuellement renforcée par des associations avec des souvenirs personnels similaires. Le deuxième type est dit centré sur autrui : on imagine ce que ressent la victime, ce qui active la réponse empathique. Cette dernière peut être renforcée quand on fait attention aux expressions faciales de la victime, au ton de sa voix ou à sa posture, ce qui active des modes préverbaux. Plusieurs études ont montré que la centration sur soi déclenche une détresse empathique plus intense parce qu'elle évoque des événements de son propre passé où l'on a effectivement ressenti les émotions en question. Enfin, dans le type de prise de perspective dit combiné, les observateurs alternent entre centration sur soi et sur autrui, ou les vivent comme des processus parallèles. C'est la forme la plus puissante, avec à la fois l'intensité émotionnelle de la prise de perspective centrée sur soi et l'attention soutenue à la victime de la forme centrée sur autrui.

L'empathie est inscrite dans la nature humaine

En résumé, la détresse empathique est un motif prosocial fiable. Les modes préverbaux permettent l'activation empathique chez les nourrissons, mais continuent d'opérer au cours de l'enfance et apportent une dimension inconsciente importante chez l'adulte. Les modes cognitifs augmentent le champ de l'empathie pour inclure des types subtils de détresse et permettre l'empathie avec des victimes absentes. La multiplicité des modes permet de répondre avec empathie à tous les indices de détresse : les signes faciaux, vocaux ou posturaux traités par le mimétisme ; les indices de situation traités par le conditionnement et l'association ; lorsque les victimes expriment leur détresse verbalement ou par écrit, l'empathie peut être activée par les modes cognitifs. Cette combinaison de modes d'activation empathique ne se contente pas de permettre une réaction empathique instantanée, automatique, consciente ou non, mais elle nous y contraint. Tout cela renforce l'idée que l'empathie s'est inscrite dans la nature humaine au cours de l'évolution. Par ailleurs, les jumeaux homozygotes (issus du même ovocyte fécondé) ont des mesures d'empathie beaucoup plus proches que les jumeaux dizygotes (issus de deux ovocytes) du même âge, ce qui suggère que l'empathie a une composante héréditaire.

Les adultes sont conscients de leurs sentiments empathiques : ils ressentent leur détresse, mais savent que c'est une réponse à la détresse d'autrui. Ils se rendent compte de ce qu'ils pourraient ressentir dans la situation de la victime et ils savent que le comportement et l'expression faciale de la victime ne reflètent pas nécessairement ce qu'elle ressent. Tout cela implique d'avoir le sens de soi-même et d'autrui qui sont des êtres distincts, ayant des états d'esprit, des identités, des conditions de vie indépendants – sens que les jeunes enfants n'ont pas. L'empathie se développe à mesure que les enfants apprennent à faire la différence entre soi et autrui. J'ai identifié six étapes.

La première est représentée par les pleurs empathiques à la détresse chez le nouveau-né. Quand un nourrisson entend un autre petit pleurer, il pleure instantanément. Ce n'est pas une simple imitation du son. Les pleurs sont intenses et identiques aux pleurs spontanés des nourrissons réellement en détresse. Le nouveau-né répond donc à un signal de détresse émis par autrui en se sentant en détresse lui-même. Le cri est un exemple précoce de détresse empathique sans que l'enfant ait conscience d'être empathique. Il commence à diminuer avec l'émergence de la conscience de soi et des autres comme des êtres distincts vers l'âge de six mois, quand les bébés ne pleurent qu'en réponse à des pleurs prolongés.

La détresse empathique égocentrique

La deuxième étape est la détresse empathique « égocentrique ». Vers l'âge de 11 à 12 mois, les bébés pleurent toujours quand un autre pleure, mais en plus ils gémissent et regardent la victime en silence. Certains sont plus actifs, mais leurs actions semblent destinées à diminuer leur propre détresse. Par exemple, un bébé de un an qui a vu un autre petit tomber et pleurer le regarde fixement, commence à pleurer, puis met son pouce dans sa bouche et cache sa tête dans les jambes de sa mère, comme il le ferait si c'était lui qui était tombé. Je pense que, comme la plupart des enfants âgés de un an, il a vaguement conscience du fait que les autres sont distincts de lui, mais n'a pas encore une conscience claire de la différence entre ce qui arrive aux autres et ce qui lui arrive à lui. Les signaux de détresse émis par les autres déclenchent une détresse empathique globale, une fusion d'émotions déplaisantes. N'étant pas certain de la source de la détresse, le bébé se comporte comme si ce qui arrivait aux autres lui arrivait à lui et cherche à se consoler. J'appelle cela la détresse empathique égocentrique parce qu'elle est à la fois égocentrique (une intention de réduire sa propre détresse) et prosociale, c'est-à-dire dépendant de la détresse d'autrui, ce qui la rend morale.

La troisième étape est la détresse empathique quasi égocentrique. Vers 14-15 mois, les pleurs empathiques des enfants, leurs gémissements et l'observation de la victime deviennent plus rares, et les enfants commencent à essayer d'aider les victimes. Les premières tentatives timides (caresser, toucher) cèdent bientôt la place à des interventions positives plus différenciées (embrasser, rassurer, appeler un autre à l'aide). Bien qu'encore limité dans les modes d'activation empathique préverbaux, l'enfant sait que les autres sont physiquement distincts de lui et il ne fait plus de confusion entre sa détresse empathique et leur détresse réelle : les actions sont clairement destinées à aider l'autre.

Quand l'enfant comprend que l'autre n'est pas soi

Mais ces actions révèlent aussi une limitation cognitive importante : les enfants ne comprennent pas encore que les autres n'ont pas les mêmes états mentaux qu'eux, et ils supposent que les autres veulent la même chose qu'eux. Donc bien qu'ils sachent que l'autre est en détresse, ils sont encore suffisamment égocentriques pour utiliser des stratégies de soutien qu'eux-mêmes trouvent réconfortantes. Un petit garçon de 14 mois répond à un ami en pleurs par un regard triste, lui prend gentiment la main et l'amène vers sa propre mère, bien que la mère de son ami soit présente. L'hypothèse que ce qui m'aide aidera les autres est souvent correcte, et les adultes la font aussi, mais ne s'y limitent pas.

La quatrième étape est celle de l'empathie véridique pour la détresse d'autrui. De réels progrès ont lieu à la fin de la deuxième année et se poursuivent au cours de la troisième. Les enfants se reconnaissent dans un miroir, ce qui montre qu'ils ont acquis le sens de leur corps comme entité physique existant en dehors de leur moi subjectif. Peu après commence la prise de conscience que les autres ont des états mentaux (des pensées, des sentiments, des désirs), puis, un peu plus tard, que ces états sont indépendants des leurs. Cette conscience permet aux enfants de ressentir une empathie correspondant mieux aux affects d'autrui dans différentes situations, ce qui rend plus efficaces leurs efforts pour aider.

L'empathie véridique a déjà les caractéristiques de l'empathie mature. Avec une meilleure compréhension des causes, des conséquences et des corrélats des émotions, les enfants peuvent éprouver de l'empathie non seulement pour de simples sentiments de détresse, mais aussi avec des formes de plus en plus complexes. Par exemple, les enfants peuvent être déçus par leur réalisation et découvrent les sentiments ambivalents.

La cinquième étape est la détresse empathique au-delà de la situation. Vers l'âge de neuf ou dix ans, les enfants, du fait de l'émergence des conceptions de soi et d'autrui comme des personnes continues dont les histoires et les identités diffèrent, prennent conscience que d'autres peuvent ressentir de la joie, de la colère, de la tristesse, de la peur, et une faible estime de soi non seulement dans la situation immédiate, mais aussi dans le contexte d'une expérience de vie plus large. En conséquence, à partir de cet âge-là et jusqu'à la fin de la vie, bien que l'on continue à ressentir de la détresse empathique en réponse à la douleur d'autrui ou à une situation difficile, on peut aussi répondre par la détresse empathique à ce que l'on imagine être la vie triste ou heureuse d'autrui.

Cette représentation de la vie de l'autre – son niveau quotidien de joie, de détresse, de perspectives, etc. – peut être en deçà de ce que l'on considère comme un bien-être minimal. On peut alors répondre par une détresse empathique différente de celle que déclenche la détresse circonstancielle. Quelles en sont les conséquences ? Elles diffèrent selon que les deux sources d'empathie sont en accord ou en opposition : par exemple, la détresse empathique d'un observateur est plus intense si la tristesse de la victime reflète une vie toujours triste que si elle n'est due qu'à un événement particulier dans une vie heureuse.

Enfin, la sixième étape du développement de la moralité empathique est l'empathie pour un groupe en détresse. Avec la poursuite du développement cognitif, notamment avec l'acquisition de la capacité à former des concepts sociaux et à classer les individus en groupes, les enfants comprennent non seulement les difficultés d'un individu, mais aussi celles d'un groupe ou d'une classe de personnes, par exemple économiquement défavorisées, socialement exclues, victimes de guerre, de tremblements de terre et d'inondations ou de personnes ayant des retards mentaux. Cette combinaison de la détresse empathique et de la représentation mentale de la situation critique d'un groupe serait la forme la plus évoluée de la détresse empathique. Un groupe particulièrement intéressant, du fait de la convergence de l'empathie et de l'aspiration à la justice, est celui des personnes économiquement défavorisées. Ressentir de l'empathie pour ce groupe serait une raison fondamentale pour se faire l'avocat d'un système de distribution des ressources, même si cela devait nous coûter (des impôts plus élevés).

La façon d'élever les enfants peut contribuer à la moralité empathique. Un parent est celui qui donne la nourriture, c'est un modèle et c'est le garant de la discipline. Chacune de ces trois facettes peut contribuer à l'empathie des enfants et au comportement prosocial. La discipline qui stimule l'empathie, l'aide, le sentiment de culpabilité lorsqu'on a fait du mal à autrui et la réceptivité aux demandes des pairs est un type de raisonnement nommé induction.

L'induction oriente l'attention des enfants vers la détresse d'autrui et est susceptible de déclencher les modes d'activation de l'empathie. Elle souligne aussi le rôle de l'enfant dans le déclenchement de la détresse d'autrui, ce qui peut amener à un sentiment de culpabilité fondé sur l'empathie. La discipline par la force physique, les menaces ou les ordres ne déclenche qu'une empathie, une aide et une culpabilité faibles, bien qu'elle soit parfois nécessaire pour obtenir des enfants qu'ils prêtent attention à un message d'induction.

Le rôle de l'éducation

Le comportement des parents en dehors des moments de discipline peut fournir des modèles prosociaux qui renforcent l'inclination empathique des enfants et légitime les comportements d'assistance ; ils peuvent, par exemple, exprimer de la compassion envers les sans-abris, relier les émotions de victimes vues à la télé au vécu de l'enfant, souligner des réponses émotionnelles universelles, telles la tristesse ou la douleur liée à la séparation ou à la perte d'un être cher.

Les psychologues cognitivistes du développement pensent aujourd'hui que les enfants découvrent les normes morales au cours de leurs interactions sociales (disputes, discussions, négociations). Ces conflits entre pairs obligent les enfants à adopter différents points de vue et à coordonner leurs besoins et leurs droits avec ceux des autres. Je pense que ces processus d'interaction des pairs peuvent ajouter la touche finale aux modèles prosociaux inductifs et nourriciers, notamment ceux qu'inculquent les parents. Tout le monde n'est pas capable de vivre selon les principes de la moralité empathique, mais une grande proportion d'individus respectant cette moralité semble indispensable pour que la société civile perdure.

Martin L. Hoffman

Martin L. Hoffman est professeur de psychologie à l'Université de New York.

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Références

R. Patrick et J. Gibbs, Parental expression of disappointment : should it be a factor in Hoffman's model of parental discipline ?, in J. Genet. Psychol., vol. 168, pp. 131-145, 2007.

M. L. Hoffman, How automatic and representational is empathy and why ?, in Brain and Behavioral Sciences, vol. 25, pp. 38-39, 2001.

M. L. Hoffman, Empathy and moral development : Implications for caring and justice, Cambridge University Press, 2000.

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