SCIENCES ET TECHNIQUES
Climat Arctique.
Le climat de la terre est
en train de changer.
Science et Vie - Juin 1974 - N°681
Le refroidissement en cours du climat mondial alarme les experts
agronomes de tous les Etats. Car il menace les zones tempérées
d'une baisse nette des récoltes, peut-être aussi de
catastrophes agricoles et donc d'une famine sans précédent.
Remède possible : faire fondre l'Arctique.
|
Le manque d'eau en Afrique et aux Indes, le refroidissement
progressif de la température depuis quelques années, l'augmentation
des surfaces d'enneigement dans l'hémisphère nord, ne sont
pas des coïncidences, ni des " accidents de parcours "
qui interrompent de façon transitoire la stabilité du climat
mondial. Les experts de la climatologie, réunis le mois derniers
à San Francisco, pensent que ces phénomènes reflètent
une tendance actuelle de modification fondamentale du climat.
Ces changements, comparables qui se sont produits dans le passé
et qui ont eu des répercutions humaines considérables, risquent
d'avoir des conséquences graves sur l'agriculture dans les régions
tempérées, qui sont les sources principales d'alimentation
pour le monde entier. Avec une inquiétude qui veut éviter
l'alarmisme, la plupart des climatologistes participant à la réunion
annuelle de l' American Association for the Advancement of Science, s'accordent
pour constater que les circonstances actuelles pourraient présager
une disette imminente, voire une famine, sur une vaste échelle.
Les crises des derniers mois, qui ont vu les réserves céréalières
mondiales pratiquement réduites à zéro, un début
de famine en Afrique, et la disette aux Indes, pourraient signifier la
fin d'une sorte d'âge d'or climatique et agricole, qui a duré
trois ou quatre décades, et lors desquelles une croissance démographique
sans précédent a été rendue possible par des
récoltes exceptionnelles.
SPECTACULAIRE: L'ACCROISSEMENT DES COUVERTURES DE GLACE
EN TRAITS PLEINS: l'accroissement des zones de neige
et glace qui atteignaient le 10 février 1972 dans l'hémisphère
Nord une couverture de 66,7 x 106 km², par rapport aux "
frontières " de 1970, au plus dur moment de l'hiver (en
traits pointillés).
AU CENTRE (petits pointillés), de larges étendues de
banquises ont été gagnées sur la mer durant l'année
1973. Ces relevés soulignent l'événement climatique
primordial, à savoir que ces trois dernières années,
les zones de neige et glace se sont considérablement plus étendues
que du;ant les sept années antérieures. Et toujours
plus tôt, chaque année. |
|
Selon le professeur Donald Gilman, directeur du Groupe de Prédictions
à Long Terme du Service National Météorologique
des Etats Unis, les régions productrices de céréales
de l'Amérique du Nord ont connu 15 années de chance
sans précédent. " Sans même avoir de théorie
en ce qui concerne l'évaluation des climats, on ne devrait
pas s'attendre à ce qu'une telle chance continue encore pendant
longtemps. " Or, ces régions productrices de 1'Amérique
du Nord représentent environ 65% de toutes les exportations
mondiales de céréales.
Quant au climat de certaines régions tropicales, soumises
à des régimes de mousson, semble aussi changer, notamment
en Afrique et aux Indes, où les conditions, favorables depuis
une trentaine d'années, ont provoqué une croissance
démographique rapide. Depuis deux ou trois ans, l'Afrique
occidentale en particulier a souffert de sécheresse, qui
a décimé le cheptel et provoqué la famine dans
une région comprenant six pays et une population de 22 millions
(Sénégal, Mauritanie, Mali, Haute-Volta, Niger et
Tchad). Plus de 100000 personnes sont mortes de faim.
Selon le professeur Reid A. Bryson, directeur de l'Institut des
Etudes Environnementales de L'université du Wisconsin, cette
région du Sahel a souffert d'un recul progressif de la pénétration
des pluies du régime de la mousson vers les régions
désertiques. " Dans toute l' Afrique occidentale, ce
modèle, dit-il, a été remarquablement constant.
" Quant aux Indes, notamment la partie nord, on sait que les
sécheresses graves ont correspondu aux périodes de
refroidissement. " La reconstitution de climat dans le passé
aux limites nord de la mousson, montre que pendant les périodes
froides ces régions étaient de vrais déserts.
"
La possibilité d'un changement climatique à long terme
peut être déduite également, de l'histoire climatique
du passé - science qui acquiert une certaine précision,
grâce à l'étude de " carottes " glaciaires,
arbres fossiles, spécimens géologiques, et sédiments
marins. On connaît aujourd'hui L'évolution du climat
sur terre, depuis un million d'années - évolution
qui se résume en une alternance de périodes froides
( de glaciation) et chaudes (interglaciaires).
|
|
|
Le professeur John Imbrie, de Brown University (Providence), qui participe
à un projet international d'études climatiques, CLIMAP,
remarquait d'abord un aspect encourageant : il ne semble pas, d'après
l'étude de ce passé climatologique, que la planète
subisse dans les 100 000 ans à venir des variations climatiques
plus importantes que celles qu'elle a connues depuis 20 000 ans. Encourageant,
dit-il, " car après tout, cette période de 20000 ans
n'a connu l'extinction que d'un très petit nombre d'espèces
vivantes ". Il faut ajouter que de grandes migrations ont contribué
à l'adaptation de ces changements climatiques, migrations qui risqueraient,
de nos jours, de poser des problèmes économiques et politiques
importants, ne serait-ce que du fait de la densité de la population
et de l'existence de frontières.
Moins encourageant, toutefois, est le fait que les périodes interglaciaires
les plus longues ne durent que 12 000 ans (les plus courtes étant
de 2000 à 3000 ans, et la moyenne se situant vers 10000 ans).
Or, la période interglaciaire dans laquelle nous vivons dure déjà
depuis 10 000 ans environ. Depuis quelque 6 000 ans les glaciers sont
en progression, et 'le climat, à travers ses oscillations, devient
graduellement plus froid.
L'étude des surfaces recouvertes de neige ou de glace, réalisée
sur une base hebdomadaire à partir de prises de vue de satellites
météorologiques indique, elle aussi, un refroidissement.
Le professeur George L. Kukla, de l'observatoire Géologique Lamont-Doherty
de l'université ,de Columbia, constate, depuis 1967, des variations
importantes, avec une augmentation des surfaces enneigées atteignant
12 % en cinq ans et ne donnant pas signe de diminution.
Cette variation est d'autant plus importante qu'elle
se manifeste par une diminution du montant total d'énergie
solaire absorbée par la terre. En effet, alors qu'un terrain
avec une végétation normale ne perd, par réflexion,
que 15 à 20 % de l'énergie solaire qu'il reçoit,
et absorbe le reste, un terrain couvert de neige ou une surface
de glace perd par réflexion environ 80% de 1'énergie
incidente. Et il y a, pour ainsi dire, un " effet boule de
neige " plus il y a de neige, plus il fait froid, plus , tombe
de neige.
L 'hémisphère nord, où la surface des terres
émergées est bien plus importante que dans l'hémisphère
sud, est particulièrement sensib1e à ces variations.
Dans cet hémisphère, la surface totale couverte de
neige ou de glace étai de 32,9 millions de km carrés
en 1968 ; elle a passé brusquement à 36,9 millions
en 1971, e a oscillé depuis lors entre 36,7 et 37,5 millions
de km carrés.
Les climatologistes ne peuvent encore établir avec certitude
les interactions multiples qui se soldent par des changements climatiques,
mais le professeur Kukla n'en pense pas moins que les extrêmes
anomalies climatiques qui ont été observées
depuis deux ou trois ans sont reliées à cette perte
d'absorption d'énergie solaire. Ces anomalies, selon l'Organisation
Météorologique Mondiale, étaient nombreuses:
grande activité cyclonique sur 1'Atlantique Nord et L'Europe
occidentale; basse pression atmosphérique dans les tropiques
et les sub-tropique; températures anormalement basses dans
certaines régions; fortes précipitations en Asie de
L'Est et le long du Pacifique, et en Amérique du Nord; sécheresse
ailleurs, notamment en Afrique occidentale.
La " couverture " globale de neige et de glace, dont on
fait la moyenne pour L'année. est pour le professeur Kukla,
un indice important. L'augmentation de cette " couverture "
a été spectaculaire. En effet, les calculs réalisé,
par les climatologistes montrent que lors de la dernière
période glaciaire, cette couverture atteignait une surface
totale entre 60 et 70 millions de km carrés, soit environ
30 millions de plus qu'aujourd'hui.
|
|
EN TEMPS DE CRISE, LES " GRANDS FRÈRES "
PENSENT D'ABORD A EUX -MÊMES...
C'est par dizaines de milliards de francs que se chiffre
l'aide des pays développés aux pays en voie
de développement, dans le domaine alimentaire ( 4 milliards
de dollars de céréales à l'Inde en 10
ans, rien que pour les Etats-Unis). Lors des périodes
de " petite sécheresse " des années
50 et 60, le Saskatchewan, le Kansas, les Nouvelles Galles
du Sud servaient donc de grenier à des pays tels que
l'Inde. Désormais, tout change et changera encore plus:
les pays développés pensent d'abord à
eux-mêmes en temps de crise.
Pourquoi? Parce que les réserves des pays riches ne
sont plus aussi grandes et parce que ces pays consomment de
plus en plus de viande rouge. De 60 millions de t en 1962,
la consommation mondiale de buf est montée à
82 millIons de t en 1971. Comme la viande rouge, c'est du
fourrage, les 22 millions de t supplémentaires se chiffrent
par 75 millions de t de fourrage. Et, quand il y a crise,
comme en 1972, personne, ni même les Soviétiques
et les Européens de l'Est n'est prêt à
remanger du pain noir. La production de viande est maintenue
et les céréales augmentent donc de prix.
En février dernier, à Londres, le Dr David Hopper,
président du Centre de Recherches pour le Développement
International, a pris une position qui a surpris, voire choqué.
Elle se résumerait ainsi: " Ne comptez plus sur
nous, mais développez vos propres ressources. De toute
façon, vous eussiez affronté la disette, du
fait de votre croissance démographique ". Le Dr
Hopper trouve que la réaction des pays en voie de développement
a été " somnolente ". Mais son "
égoïsme " n'est qu'apparent: s'il souhaite
que l'aide des " grands frères " ne prenne
plus la forme de dons en céréales, c'est pour
que les " petits frères " développent
leur agriculture. Il y a ainsi des dizaines de millions d'hectares
incultivés mais cultivables dans la plaine indogangétique
du Brahmapoutre. La " Révolution verte "
ne s'est exercée que sur des surfaces grandes comme
des timbres-poste. Et le Fonds Monétaire international
pourrait avancer les fonds d'investissements nécessaires.
|
|
Or, remarquait le professeur Kukla, en 1971, cette surface augmentait de
4 millions de km carrés; il suffirait de sept augmentations de la
même importance pour que nous nous retrouvions avec une " couverture
" de neige et de glace aussi importante qu'elle l'était lors
de la dernière période glaciaire.
Mais il en faut beaucoup moins pour perturber l'agriculture
des zones favorisées qui représentent aujourd'hui
le " grenier du monde " : Les Etats-Unis et le Canada
en premier lieu, l'Australie ensuite.
Une étude des précipitations et des changements de
température dans la " ceinture céréalière
" des Etats-Unis montre que depuis une vingtaine d'années,
les pluies sont régulières, qu'il n'y a ni déluge,
ni grande pénurie d'eau : c'est un calme plat qui n'est pas
du tout typique des 50 années précédentes,
lors desquelles des fluctuations majeures avaient été
observées. Pendant ce calme plat favorable à la production,
les variétés de céréales cultivées
ont été génétiquement accordées
à ces conditions anormalement bonnes, que l'on ne peut pas
s'attendre à voir continuer.
" Nous pouvons vraiment nous attendre à une secousse
climatique importante dans ces régions dans les quelques
années à venir, peut-être même dans l'année
qui vient, disait le Dr Gilman. " Il me semble que si l'on
voulait planifier une stratégie de production alimentaire
on devrait penser à se protéger des mauvaises années
que ces régions n'ont pas connues récemment. "
On se rend compte, en effet, qu'une mauvaise récolte en Amérique
du Nord, source principale de céréales exportées,
serait catastrophique moins peut-être pour les Etats-Unis
et le Canada, que pour le reste du monde et surtout les pays qui
dépendent de ces céréales pour leur subsistance.
Car on sait bien, surtout depuis l'année dernière,
quand des achats massifs de blé par l'Union Soviétique
ont fait monter de façon spectaculaire le prix de toutes
les céréales, que lors d'une disette les lois de l'offre
et de la demande louent inexorablement. Et que, sur un marché
libre, le pays pauvre ne pèse pas lourd en face du pays riche.
Or, il ne semble pas qu'il y ait de stratégie " protectrice
". Selon le professeur Wayne Decker, du Département
des Sciences de l' Atmosphère de l'Université du Missouri,
la sélection des variétés cultivées
se fait progressivement d'année en année, et les spécialistes
agricoles conseillent généralement l'utilisation de
variétés qui sont les plus rentables dans les conditions
,de leur utilisation. Il est pratiquement impossible, remarquait-il,
de tester de nouvelles variétés dans des conditions
de stress, à moins que ce stress ne se produise naturellement.
|
|
LA CEINTURE NORD DU RÉGIME DES VENTS S'EST ABAISSEE
D'UN MILLIER DE KILOMETRES
Lorsque vers la fin des années soixante,
il existait à une distance déterminée
autour des pôles une frontière du régime
des vents, dans les deux hémisphères. C'est
tout au long de cette ceinture, au Sud de la bande en grisé
clair sur notre dessin, que se situaient les régions
de hautes pressions atmosphériques durant l' été.
Les flèches noires représentent les vents créés
alors par la prédominance de ces hautes pressions,
dans les régions circumpolaires aussi bien qu'au-dessus
de l'Equateur; dans ce dernier cas, ce sont des vents secs
qui forment un front contre les vents humides des moussons
d'été et qui sont donc responsables de la création
des déserts.
Or, depuis quelques années, la ceinture circumpolaire
Nord s'est rapprochée de l'Equateur d'un millier de
kilomètres. Les vents nouveaux sont donc descendus
d'autant et ils ont, de la sorte, érigé un front
contre les moussons dans des régions où celles-ci
étaient indispensables à la survie d'immenses
populations. Par ailleurs, en effectuant le régime
des pluies et e, faisant descendre la ceinture des hautes
pression ils ont rendu le climat plus instable et en général
plus froid. Quant à l'hémisphère Sud,
on ne sa pas encore exactement ce qui s'y passe, car o possède
peu de données météo sur cette partie
du globe.
|
|
L'évolution du climat depuis un million d'années.
Notre génération a connu une température anormalement
élevée. A long terme, le période inter-glaciaire
chaude, telle que le monde l'a connue depuis une dizaine d'années,
représente l'exception plutôt que la règle en
ce qui concerne le dernier million d'années sur terre. C'est
ce qui ressort des tableaux ci-dessus.
Fig.1) Les derniers 100 ans
Froid vers 1880 et 1900, le climat s'est progressivement réchauffé
jusqu'en 1940-1950 (1), mais est entré depuis dans une phase
de refroidissement.
Fig.2) Les derniers 1000 ans.
Le XIXe siècle marquait la fin d'une période de "
petite glaciaton "(2) qui avait commencé vers 1400 et
avait été durement ressentie vers le milieu du 17e
siècle.
Fig.3) Les derniers 30 000 ans
Cette " mini-glaciaton " (2) se retrouve à la suite
de beaucoup d'autres et notamment (3) dans une période interglaciaire
chaude qui a déjà duré s'inscrivent en dent
de scie.
|
|
|
Fig.4) Les derniers 150 000 ans
Condensé sur 150 000 années, le climat fait ressortir l'avant
dernière période interglaciaire (5) apparue il y a environ
125 000 as et dont la température moyenne était équivalente
à celle de la période inter-glaciaire actuelle (4).
Fig.5) Depuis un million d'années
Sur ce tableau qui couvre 1 million d'années, l'alternance des périodes
inter-glaciaires, tous les 100 000 ans environ, apparaît encore plus
nettement. (Le climat est exprimé en variations du volume global
de glace qui vont de pair avec les variations de température).
De nombreuses variété de céréales cultivées
aux Etats Unis précise-t-il, ont un matériau génétique
très étroit: " Ils on les mêmes papas et les mêmes
mamans. " Ce qui est effrayant, dit-il, c'est de penser que non seulement
une variété, mais toutes ou la plupart des variétés
cultivées, seraient vulnérables à un stress inattendu
(comme c'était le cas aux Etats-Unis en 1970, lorsqu'une énorme
partie de la récolte de maïs, d'une variété susceptible
à une forme de rouille, était perdue).
Le risque est d'autant plus grave aujourd'hui que la production "
mondiale ", de céréales est plus concentrée
qu'elle ne l'était il y a un demi siècle. Un début
de glaciation perturberait profondément la productivité
de ces régions, alors que les récoltes de canne à
Sucre ou de bananes dans les régions tropicales ne seraient pas
affectées.
Quelles solutions proposent les climatologistes ?
Pour beaucoup, l'idéal serait de maintenir un statu-quo climatique
optimal, mais un tel projet relève encore d'une science-fiction
qui risque d'être dangereuse, car les relations multiples qui déterminent
le climat ne sont pas suffisamment connues, non seulement en vue d'entreprendre
des modifications massives, mais même de pouvoir faire des prédictions
valables à long terme.
Une possibilité, suggérée il y a quelques années,
est de faire fondre une partie de la couche de glace, épaisse de
2 à 3 m, sur l'océan Arctique. Un océan " Ouvert
" tempérerait le climat arctique, provoquant dans ces régions
une augmentation de température de 10 à 15 °c. L'un
des moyens suggérés pour faire fondre cette masse de glace
est ,de répandre à sa surface des particules sombres (de
la suie, par exemple) pour augmenter ;l'absorption de la radiation solaire.
On pourrait envisager également une série d'explosions thermonucléaires"
propres " pour rompre la glace et faire remonter vers la surface
des eaux plus chaudes. Mais les conséquences d'un tel projet sont
encore imprévisibles l'une d'elles pourrait être d'accélérer
la glaciation de l'hémisphère Nord, car l'accroissement
de l'humidité atmosphérique risquerait d'augmenter considérablement
l'enneigement.
A l'heure actuelle, remarquait le Dr William W. Ke1log, du Centre National
de la Recherche Atmosphérique (Colorado), même l'action très
limitée d'ensemencer des nuages peut avoir des conséquences
imprévisibles. Selon certains experts, les inondations récentes
dans le Dakota du Sud auraient pu être provoquées par de
tels ensemencements, réalisés dans la région quelques
jours auparavant.
Pour le moment donc, on peut continuer à parler du temps, sans
pouvoir faire grand-chose pour le changer. Il faut donc tenter de préparer
l'agriculture à la possibilité de conditions climatiques
nouvelles, et de décentraliser, afin d'éviter que tous les
reufs se trouvent dans le même panier.
A moins d'un ralentissement net de la croissance démographique,
l'agriculture moderne et l'utilisation d'engrais chimiques seules,
semble t-il, permettraient de surmonter cet obstacle pour sortir
de ce que le Dr L. George Harrar, président honoraire de
la Fondation Rockefeller, définit comme " une situation
dangereuse de dépendance et qui pourrait se solder par une
famine massive s'il y avait un ou deux échecs agricoles en
Amérique du Nord... Nous ne pouvons pas nous permettre qu'un
pays produise, 5 à 10 boisseaux de blé par acre alors
qu'un autre en produit 40 à 50 quand tous les deux pourraient
avoir la même production ".
Ce n'est pas facile. On peut envisager d'accroître la production
céréalière dans les régions tropicales,
qui ne souffriraient pas d'un début de glaciation. "
Mais la plupart de ces régions n'ont pas les ressources pour
ce genre d'agriculture. Même aux Etats-Unis, remarquait .
le professeur Decker, il serait difficile de déplacer la
" ceinture du blé vers le sud. " Le sol dans les
tropiques est là depuis longtemps ; presque tout ce qu'il
contenait de soluble a été délavé, et
la plupart des substances nutritives se trouvent dans la végétation
naturelle du système. Le problème c'est que lorsque
vous supprimez la végétation naturelle, pour planter
autre chose, vous enlevez également les réserves d'éléments
nutritifs.
Il y a 25 ans, remarquait-il, la plupart des régions du monde
se trouvaient en position d'exportateurs. " Aujourd'hui, l'avenir
ne semble pas encourageant.
|
|
UNE SCIENCE NOUVELLE : LA MAGNETOMETEOROLOGIE
A DROITE: une carte des pressions atmosphériques,
en millibars, dressée dans l'hémisphère
Nord d'après une moyenne météorologique
relevée entre 1918 et 1958. A DROITE: les contours
du champ magnétique terrestre en 1965. En tenant compte
du déport de ces champs (de 3° vers l'ouest chaque
année) on est frappé par la similitude des courbes.
Certains chercheurs (dont le Pr. King, des laboratoires Appleton,
en Angleterre) ont tenté d'établir une relation
de cause à effet entre le champ magnétique et
le climat. L 'hypothèse la plus courante est que le
magnétisme terrestre influerait sur le " vent
solaire ", cette pluie de radiations qui provoque des
altérations au niveau des diverses couches de l'atmosphère.
Ces corrélations, selon King, sont tellement nombreuses
qu'elles devraient faire l'objet de recherches dans une science
nouvelle qu'il propose d'appeler la " magnétométéorologie
".
|
|
Une augmentation annuelle d'au moins 4% de la production alimentaire
est nécessaire pour nourrir la population actuelle, avec les quelque
75 millions d'individus qui s'y ajoutent chaque année (soit 200000
par jour) et pour pouvoir établir des réserves...
Nous n'avons pas atteint ce chiffre de 4%, et en conséquence les
nations pauvres sont devenues encore plus dépendantes de L'Amérique
du Nord et de L'Australie. " (Trois pays exportent chaque année
quelque 90 millions de tonnes de céréales - les Etats-Unis,
environ 65 millions; le Canada, 17 000 et L'Australie, 8000.).
Dans cet état des choses, une série de mauvaises années
en Amérique du Nord, comparables aux mauvaises années dont
ont souffert les pays du Sahel, auraient des conséquences difficilement
imaginables. Une véritable révolution verte, à l'échelle
mondiale, semble être la seule solution pour éviter la famine
lors d'un retour inévitable du prochain cycle de glaciation, ou
même d'un refroidissement transitoire caractéristique d'une
" petite glaciation ".
Alexandre DOROZYNSKI .
|