Le parti de la gauche radicale grecque, Syriza, a largement emporté les élections législatives, dimanche 25 janvier, et ne devrait manquer que de deux députés pour avoir la majorité absolue au Parlement (151 élus). Partisan de la fin de l'austérité et d'une restructuration de la dette, son leader Alexis Tsipras menace-t-il le maintien de la Grèce dans la zone euro ?
Un déficit qui se réduit. Les chiffres officiels des finances publiques grecques ne sont a première vue guère réjouissants : la dette culmine encore à plus de 170 % du PIB, tandis que le déficit est reparti à la hausse en 2013, à plus de 12 % de la richesse nationale.
Ils masquent toutefois une réalité plus complexe : hors « dépenses exceptionnelles » et soutien au secteur bancaire, le déficit grec s'établissait en 2013 à 2,1 %. Mieux : Athènes dégageait même un excédent primaire de 0,8 % du PIB - c'est à dire qu'en faisant exception du service de la dette, l'administration grecque a collecté plus d'argent qu'elle n'en a dépensé.
Ces résultats ne sont pas suffisants pour la troïka, qui réclame à la Grèce qu'elle prouve sa stabilité budgétaire à l'horizon 2015/2016 avant de déserrer l'étau de l'austérité.
Entre les différents plans d'aide européens et internationaux, la restructuration d'une partie de sa dette et le financement classique de l'Union européenne, la Grèce a touché pas moins de 380 milliards d'euros depuis 2007.
Un peu plus de 10 milliards doivent encore être prêtés à la Grèce : 7 milliards par le FMI, et 3,6 milliards par les Européens, pour la dernière tranche de leur deuxième plan de sauvetage.
Les traités européens ne prévoient pas la possibilité pour un Etat de quitter la zone euro. La Commission européenne l'a rappelé le 5 janvier pour tenter de dissiper les rumeurs : l'appartenance d'un pays à la zone euro est « irrévocable ».
Dès lors, deux possibilités s'offriraient à la Grèce si elle voulait le faire, comme l'expliquait déjà en 2011 l'économiste Eric Dor :
- La voie légale : elle sort carrément de l'Union européenne (grâce à l'article 50 du traité de Lisbonne), puis y ré-adhére dans la foulée en négociant une exception lui permettant de ne pas avoir à entrer dans la zone euro (comme le Royaume-Uni, la Suède ou le Danemark l'ont fait dans les années 1990).
- La voie exceptionnelle : les Vingt-Huit amendent les traités européens pour y introduire une clause de sortie de la zone euro, pour permettre à la Grèce de quitter la monnaie unique sans devoir claquer la porte de l'UE. Il serait même possible, selon certains observateurs, de contourner le droit européen si tout le monde (Commission et Etats-membres) était d'accord.
Le parti de la gauche radicale Syriza, favori des sondages pour les prochaines élections en Grèce, ne prône pas la sortie d'Athènes de la zone euro, contrairement au parti néo-nazi Aube dorée, par exemple. Ce sont plutôt les conséquences indirectes de son programme qui font ressurgir les craintes d'un scénario de « Grexit » (« Greece Exit »).
Le parti d'Alexis Tsipras exige en effet une révision des politiques d'austérité et de réforme imposées par la troïka de ses créanciers (FMI, Banque centrale et Commission européennes) et propose à l'inverse une politique de relance pour l'économie grecque (créations d'emplois publics, rétablissement du salaire minimal, investissements). Mais surtout, il souhaite renégocier la dette restante de la Grèce avec ses créanciers.
Autant de perspectives qui effraient les marchés financiers et irritent ses voisins européens. Si elle était délaissée par les investisseurs, la Grèce pourrait replonger dans la situation castrophique qui a failli la conduire à la sortie de l'euro en 2011-2012.
Sans qu'une telle extrêmité arrive, le bâton du « Grexit » pourrait également être brandi comme menace par la Commission européenne et les Etats européens, Allemagne en tête. D'autant que sans l'aide européenne, Athènes est incapable de se financer seule sur les marchés, avec des taux d'emprunts tournant aujourd'hui autour de 9 %
Tout porte donc à croire que Syriza et Bruxelles vont chercher un compromis. En renonçant au moratoire sur le remboursement de la dette qu'il prônait encore récemment, le parti de gauche radicale pourrait négocier une restructuration pour avoir un peu d'air. Cela pourra prendre la forme d'un étalement ou même de l'effacement d'une partie des dettes.
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