La liberté de prescription des médecins est intacte ?

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Xavier Azalbert pour FranceSoir
Publié le 04 août 2020 - 18:39
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Olivier Véran, le ministre de la Santé lors d'un point de presse à l'Elysée, le 27 mai 2020
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© Ludovic Marin / POOL/AFP/Archives
La liberté de prescription des médecins est intacte.
© Ludovic Marin / POOL/AFP/Archives

Le ministre Véran n’aurait peut-être pas dû faire usage de la formule « ne doit pas »

Décision de référé : le communiqué de presse du ministre des Solidarités et de la santé publié le 27 mai 2020, ne saurait être regardé comme de nature à produire des effets notables sur les droits ou la situation des professionnels de santé ou des patients, nous dit Me Krikorian à la lecture de l'ordonance.

 

Historique

Le Ministre de la Santé publie un communiqué de presse le 27 mai 2020  où il écrit :

« …Le décret publié ce 27 mai tire une nouvelle fois les conclusions de l’avis du HCSP et modifie les conditions dérogatoires de prescription de l’hydroxychloroquine : que ce soit en ville ou à l’hôpital, cette molécule ne doit pas être prescrite pour les patients atteints de Covid-19… »

Ce communiqué de presse a entrainé ce qui aujourd’hui peut être caractérisé comme une des plus grosses fake news puisque tous les médias ont repris cela en cœur et communiqué sur ce fait que le ministre avait interdit l’hydroxychloroquine.  Ce « Ne doit pas » a eu un impact critique sur tous les médecins et français et a entrainé une confusion générale.

Un élément des plus surprenant est l'assymétrie de traitement de l'information sur l'hydroxychloroquine. Le 27 mai 2020, le Ministre de la Santé faisait le communiqué de presse avec ce "Ne doit pas" mais, ce 11 juillet, alors que prenait fin cette interdiction, il n'y a eu aucun communiqué du ministre.  Deux poids deux mesures.  

 

 

Le ministre avait-il le droit de faire usage d’une telle formule ?

Le Directeur de la Publication de FranceSoir, avec le soutien d’un lecteur avisé Jean-Luc Duhamel et par l’action de Me Philippe Krikorian, ont saisi le juge des référés ce 26 juillet 2020.  Nous avons aussi porté cette question devant le Conseil d’Etat, afin d’obtenir une réponse.

Le juge des référés a tranché et dont acte :

« ... Le communiqué de presse du ministre des Solidarités et de la Santé publié le 27 mai 2020 ne saurait être regardé comme de nature à produire des effets notables sur les droits ou la situation des professionnels de santé ou des patients ».

Me Krikorian dit : 

« Le communiqué n'a donc aucun effet pour la juge, cependant il a été, pendant de nombreuses semaines, interprété par les médias, les patients et les médecins comme une interdiction. C'est la réalité sociologique que l'on retiendra et qui a créée beaucoup de confusion pour rien. La clarification demandée à ce sujet est donc importante et continue à mettre en évidence les incohérences. »

« Une nouvelle victoire paradoxale vient couronner nos efforts tendant procurer à nos semblables et concitoyens la protection de leur santé, droit constitutionnel garanti par l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. »

Madame Pascale FOMBEUR, Présidente de la Première Chambre de la Section du contentieux, juge des référés, a fait application dans son ordonnance du 31 juillet 2020, qui a été communiquée ce 3 aout 2020.

Dans son ordonnance du 31 juillet, la Présidente procède à une interprétation neutralisante du communiqué de presse du ministre du 27 juillet dans lequel elle ne voit ni décision ni acte de droit souple.»

 

Analyse de Me Krikorian

"Par son communiqué de presse du 27 mai 2020, le ministre des Solidarités et de la Santé a ajouté aux dispositions  réglementaires, qu'il a  voulu étendre au pouvoir de prescription des médecins, en méconnaissance de l'article L. 5121-12-1, I CSP.

En affirmant « ( … ) que ce soit en ville ou à l’hôpital, cette molécule ne doit pas être prescrite pour les patients atteints de Covid-19. ( … ) », l'autorité exécutive a eu pour but d'influer de manière significative  sur les comportements  des médecins prescripteurs, en laissant craindre aux réfractaires des poursuites disciplinaires, eu égard notamment « à l'obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d'assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu'elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques.

Cependant et au-delà des divergences d'appréciation entre l'Etat juge, d'une part et la Société civile - dont procède l'Avocat, auxiliateur en justice - d'autre part, il y a lieu de retenir de la décision qui vient d'être rendue que le communiqué de presse publié le 27 mai 2020 sur le site internet du ministère des Solidarités et de la Santé, - dont il n'est, au demeurant, pas dit qu'il n'aurait pas eu pour objet d'influer de manière  significative sur les comportements des médecins prescripteurs -, « ( … ) ne saurait être regardé comme de nature à produire des effets notables sur les droits ou la situation des professionnels de santé ou des patients. ( … ) ».

D'après Me Krikorian, "le communiqué de presse du Ministre des solidarités et de la santé laisse intacte la liberté de prescription des médecins."

Cela était, peut-être, évident pour certains, mais pas pour tous. La saisine du Conseil d'Etat, qu'avant le 27 Mai 2020, rien ne prédéterminait ( le hasard ), sinon la soif de vérité et de justice, a définitivement retiré au communiqué de presse critiqué tout effet de droit ( la nécessité ).

Preuve est, ainsi, faite de l'utilité du recours pour excès de pouvoir, recours qui existe même sans texte."

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