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Richard Ferrand fragilisé par un montage immobilier

Epinglé par le «Canard Enchainé», le ministre de la Cohésion des territoires a nié tout favoritisme au profit de son épouse. Mais l'affaire tombe mal.
par Nathalie Raulin
publié le 24 mai 2017 à 7h32
(mis à jour le 24 mai 2017 à 11h33)

C'est une affaire qui tombe très mal pour Emmanuel Macron. Une semaine après la nomination de son premier gouvernement, le ministre de la Cohésion des territoires et compagnon de route de la première heure d'En Marche, Richard Ferrand est épinglé par le Canard enchaîné ce mercredi pour «arrangement familial» à but lucratif.  A la clé, un montage immobilier ni illégal, ni préjudiciable au contribuable, mais dont l'opportunisme manifeste laisse place au soupçon de conflit d'intérêts. Une information qui à tout le moins brouille la volonté de «moralisation de la vie publique» que le mouvement macronien a placé au cœur de sa campagne législative et qui fait l'objet du premier projet de loi du quinquennat.

Les faits remontent à janvier 2011. Richard Ferrand est alors directeur général des Mutuelles de Bretagne, en faillite quand il en a pris les rênes en 1993 qu'il a depuis si bien redressées qu'elles cherchent des locaux pour se développer à Brest. Réuni en sa présence, le conseil d'administration de l'organisation de soin à but non lucratif étudie alors trois offres de location. Et s'arrête sur celle d'une société civile immobilière du nom de Saca, qui, curiosité, n'a pourtant à cet instant ni existence légale, ni le titre de propriété du bien qu'elle propose. Et pour cause. Comme le souligne le Canard enchaîné, ce n'est qu'une fois le choix acté par les Mutuelles, que la femme de Richard Ferrand, Sandrine Doucen, a déposé à son nom les statuts de cette société en préfecture, puis acheté le bien immobilier 100% à crédit grâce à un emprunt au Crédit agricole du Finistère… Un crédit dont le remboursement est par la suite couvert par le loyer annuel de 42 000 euros qu'acceptent de verser les Mutuelles.

Sans avancer un centime ni prendre le moindre risque, la femme du conseiller régional de Bretagne s'est ainsi constitué un patrimoine de 402 000 euros, intégralement financé grâce aux loyers de la mutuelle de son mari. «Les lieux seront intégralement rénovés – et sans contrepartie – aux frais des Mutuelles, pour un montant de 184 000 euros», ajoute le Canard enchaîné. 

«Aucun souvenir»

Les Mutuelles connaissaient-elles les liens qui unissaient Richard Ferrand à Sandrine Doucen au moment de la transaction? Richard Ferrand le certifie. Cité par le Canard, le président des Mutuelles de l'époque dit, lui, n'en avoir «gardé aucun souvenir». Toutefois, les Mutuelles semblent avoir trouvé avantage à l'opération puisqu'elles n'ont pas jugé bon de dénoncer leur bail en 2014 comme la loi l'y autorisait. A les croire, le loyer annuel fixé par la SCI Saca était en effet sensiblement inférieur au prix moyen des surfaces comparables, dans le même secteur. En clair, les époux Ferrand auraient gonflé leur patrimoine sans faire de tort à personne, bien au contraire.

S'il ne conteste pas les faits, Richard Ferrand a vite compris à lire les commentaires peu amènes sur les réseaux sociaux leur force potentiellement dévastatrice. Présent mardi à Aubervilliers pour lancer la campagne législative des candidats LREM en Ile-de-France, le ministre de la Cohésion des territoires a refusé de répondre à nos questions, sa com promettant pour plus tard un communiqué détaillé. C'est donc l'ex-garde rapprochée de Macron qui s'est chargé d'assurer sa défense. Indigné de la proportion médiatique prise par une affaire «où tout est légal» l'organisateur en chef du mouvement macronien, Julien Denormandie dénonce une «cabale» dont l'origine serait à chercher dans la «malveillance de la vieille politique». «Une démission? Vous plaisantez, s'est de son côté agacé le porte-parole d'En marche et candidat aux législatives, Benjamin Griveaux. C'est un non-événement.» Mercredi, Matignon est à son tour monté au crénaeau assurant que la «probité du ministre n'est pas en cause». Reste à savoir si tel est l'avis de l'Elysée.

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