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De l'or vert
dans des vieux pneus

Déchets industriels, urbains ou ruraux peuvent être à la source des biocarburants de deuxième génération. Tyler Mallory for General Motors

Face au grand bazar français du bioéthanol, les États-Unis proposent de le produire à partir de vieux pneus!

Coup de tonnerre dans le Landerneau des énergies alterna­tives. La société Coskata, une start-up américaine, offre de produire du bioéthanol pour 0,20 € le litre… à partir de vieux pneus ou d'autres déchets urbains et industriels ! Cela représenterait, selon Bill Coe, son président « environ la moitié du coût de production de l'essence aux États-Unis ». Son secret semble être une bonne maîtrise de la biofermentation, la deuxième étape, après la gazéification, dans le processus de production du carburant vert.

L'Institut français du pétrole, qui connaît bien cette technologie pour l'avoir étudiée avec un partenaire finlandais, relativise cependant : « Ce prix de 0,20 € le litre ne nous semble pas totalement réaliste. Même si la matière première est gratuite, il faut l'acheminer, être sûr de la constance de la performance des micro-organismes impliqués dans la biofermentation, et tenir compte du coût du traitement de l'eau. Mais cette technologie existe, ce n'est pas de la science-fiction. » La nouvelle semble d'autant plus crédible que Coskata s'est placé sous l'aile du numéro un mondial de l'automobile, General Motors.

Cette révolution, qui annonce un regain de confiance dans l'E85, contraste en tout point avec le rythme de progression de ce carburant en France. La charte E85, signée dans l'euphorie en 2006, prévoyait la mise en place de 500 à 600 pompes de bioéthanol en 2007, et un triplement de ce chiffre cette année. On atteint péniblement aujourd'hui les 200 pompes installées (ce qui ne veut pas dire, du reste, qu'elles soient forcément approvisionnées).

Quelques milliers de véhi­cules FlexFuel, pouvant fonctionner à la fois à l'essence et au bioéthanol, ont seulement été vendus sur le marché français l'an dernier. Tant pis pour les constructeurs qui ont fait l'effort de promouvoir ces modèles, tel le groupe Ford, l'un des pionniers du E85.

Pour compliquer encore un peu plus la situation, l'objectif fixé par les pouvoirs publics d'incorporer 5,75% de biocarburant dans les carburants traditionnels en 2008 (en avance de deux ans sur les dispositions européennes, histoire d'être le meilleur écologiste de la classe) ne pourra vraisemblablement pas être tenu. Or, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), l'un des leviers de la promotion des biocarburants, expose conjointement distributeur et consommateur à 500 millions d'euros de pénalité par manquement de 1 % par rapport à ce calendrier. Une fois de plus, l'automobiliste va payer pour une situation dont il ne peut être tenu pour responsable !

De l'autre côté de l'Atlantique, on est comme à l'accoutumée beaucoup plus pragmatique. « Ce qui est bon pour l'environnement doit l'être aussi pour l'automobiliste », disent là-bas les industriels. Les États-Unis sont les leaders mondiaux de la production de biocarburant. L 'Energy Bill signée par le président George Bush l'an dernier conforte cette situation et prévoit que l'Amérique devra produire près de 140 milliards de litres de bioéthanol en 2022, dont 80 milliards issus du non-alimentaire.

Le moteur à explosion a encore de l'avenir

Les biocarburants se trouvent aujourd'hui à un tournant. La première génération était issue du monde agricole traditionnel. Ce qui posait une double question : la production de bioéthanol ne risquait-elle pas d'empiéter sur les cultures alimentaires, et son bilan écologique, compte tenu des engrais nécessaires, était-il finalement si favorable ? La deuxième fera appel non plus au maïs ou à la canne à sucre, mais à des plantes dédiées encore inconnues du grand public, à la croissance rapide et nécessitant peu d'engrais, comme la ­switchgrass, originaire des grandes plaines de l'Amérique, ou le Miscanthus giganteus, venant, lui, d'Asie. Cette orientation vers une culture ligno­cellulosique précède d'autres procédés fondés sur l'exploitation de la biomasse pour fabriquer de nouveaux carburants de synthèse, dont le kérosène des avions.

Avant de basculer vers une énergie alternative durable, dont l'hydrogène pourrait être l'un des vecteurs, les biocarburants assureront sans doute une assez longue transition. Le moteur à explosion a encore quelques beaux jours devant lui. Et si on veut le gaver avec des vieux pneus, le ministère de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables ne pourra que s'en réjouir. Il vient, sans le savoir, d'ouvrir cette possibilité en signant, le 20 février dernier, un accord afin de centraliser la collecte des vieilles enveloppes et éliminer les 114 décharges (200 000 tonnes de pneus) qui défigurent le paysage français. Comme la beauté, parfois enfouie sous la laideur, l'or vert peut aussi se trouver au fond des poubelles.

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